La diversification est la clé du succès
Évaluation immobilière au Canada
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Par Sanjit Singh, AACI, P. App., Wernick Omura Inc., Calgary, AB
Le monde de l’évaluation et de la consultation évolue constamment. Les compagnies de gestion en évaluation (CGE) font ce qu’elles font de mieux. Les modèles d’évaluation automatisés se perfectionnent. Nos clients ont plus que jamais accès aux données qu’auparavant. Et, maintenant, nous sommes aux prises avec la pandémie mondiale de COVID-19. En plus de tout cela, les honoraires sont compressés pour le travail de financement hypothécaire habituel, ce qui oblige plusieurs évaluateurs à envisager ce que l’avenir leur réserve dans un marché en perpétuelle mouvance.
Que devraient faire les évaluateurs ? La réponse saute aux yeux. Nous devons nous adapter au changement ou nous deviendrons déclassés. Ce n’est pas seulement vrai en consultation immobilière, car de nombreuses industries et professions sont aussi affectées par les progrès technologiques et par un paysage commercial qui se transforme. Aura-t-on besoin de l’‹ évaluateur immobilier traditionnel › dans le futur ? Moi, je prétends que oui, bien que nous devions changer notre façon de penser pour mieux desservir le marché. La clé, c’est la diversification.
Les évaluations classiques aux fins de financement hypothécaire sont ce à quoi la plupart d’entre sommes habitués, alors que c’est le plus important segment de l’évaluation. À ce titre, elles attirent le plus grand nombre d’évaluateurs, ce qui, par le fait même, augmente la concurrence, exerce une pression à la baisse sur les honoraires et crée un environnement de prise des prix plutôt que d’établissement des prix. Le travail de financement devrait certainement constituer la plus grande partie des revenus d’une firme d’évaluation; cependant, la question est de savoir dans quel pourcentage ? Si c’est 100 %, le flux de revenus ira sûrement en diminuant dans le futur, particulièrement dans un marché compétitif. Le travail de financement suppose aussi un certain niveau d’homogénéité, ce qui engendre la complaisance dans notre perfectionnement professionnel et dans notre courbe d’apprentissage. À n’en pas douter, ce travail est le plus facile à obtenir, mais facilité ne signifie pas nécessairement rémunération.
Pour donner le crédit aux évaluateurs, nos clients comptent sur nos estimations impartiales de la valeur chaque jour, et nous avons besoin de ce travail habituel, mais à quel fin ? Voulez-vous élargir votre portée, augmenter votre flux de revenus et/ou développer une nouvelle niche ? À mon avis, l’évaluateur de demain devra continuellement s’adapter à l’environnement en évolution.
Évaluations conventionnelles aux fins de financement
En tant qu’évaluateur résidentiel, faites-vous des maisons unifamiliales, des terrains et/ou des condominiums ? Êtes-vous un évaluateur commercial, faisant seulement des bâtiments autonomes ou des unités de style condominium ? Quels types de clients desservez-vous : secteur public, secteur privé, banques, avocats, courtiers, CGE ? Le type de clients que vous desservez dictera si vous êtes un preneur de prix ou un fixeur de prix sur le marché.
Dans le travail financier, je suis d’avis que la première et plus facile étape de la diversification est d’acquérir de nouveaux types de clients. Songez à développer un curriculum vitae bien articulé et à contacter des cabinets d’avocats de votre région pour travailler dans le domaine des litiges. En ces temps de COVID-19, vous pouvez téléphoner et parler à un avocat, puis lui envoyer vos renseignements. Le travail de litige demande le souci du détail, une volonté de sortir des sentiers battus et une capacité d’appliquer la pensée critique. Avec l’expérience pertinente, vous deviendrez un témoin expert, qui se définit comme « un individu dont l’opinion, en vertu de son éducation, sa formation, sa certification, ses compétences ou son expérience, est acceptée par le juge comme celle d’un expert ».
La seule expérience des tribunaux ou des cas d’arbitrage vous met dans une classe à part. La meilleure chose lorsque vous étendez votre clientèle pour inclure des avocats, c’est qu’il y a toute une panoplie d’enjeux liés à l’immobilier qui peuvent survenir, dont plusieurs nécessitent l’expertise d’un évaluateur. Ça ne veut pas seulement dire du travail de forclusion ou dans les litiges matrimoniaux habituels. Avec nos clients juridiques, nous sommes intervenus dans un éventail d’enjeux touchant le droit de passage (DDP), y compris les empiétements et les servitudes. L’évaluation des actifs d’entreprises en exploitation nous ont obligés à regarder les compagnies comme des entreprises en exploitation avec l’immobilier, p. ex. des hôtels, lave-autos, stations-service, salons de quilles, cinémas, etc. Puis, il y a des intérêts partiels en immobilier, où vous devez calculer la valeur marchande d’un intérêt partiel de 50 % pour une propriété. Nous avons évalué des corridors immobiliers pour des propriétaires de terrains privés, des compagnies de services publics, des Premières nations et des compagnies de pétrole et de gaz. Nous avons consulté dans des évaluations de terres louées à long terme, ou dans la valeur de bails prépayés, le cas échéant.
Plus particulièrement, un domaine très spécialisé est l’évaluation du DDP. C’est « le droit légal, établi par l’usage ou la permission, de passer sur une route donnée à travers le terrain ou la propriété d’une autre personne ». Cela peut résulter en une servitude, qui est « un droit légal d’utiliser le terrain d’une autre personne dans un but limité spécifique ». Un exemple de l’évaluation d’un DDP pourrait être celui d’une compagnie de gaz locale qui veut acheter une lisière de terrain de 20 pieds au propriétaire du terrain pour y installer des lignes de service fournissant le gaz aux consommateurs. Un exemple de servitude est celui d’un voisin qui a besoin de passer par une propriété voisine pour accéder à sa propriété. Les deux cas eux-mêmes sont des champs d’évaluation et de consultation spécialisés qui peuvent vous distinguer des autres évaluateurs. Dans d’autres cas, une expropriation peut survenir, qui est « l’acte d’une province ou d’une autorité de saisir le bien immobilier de son propriétaire pour l’usage ou le bénéfice du public ». Le volume de travail disponible dans ce seul domaine est stupéfiant.
L’expérience et l’éducation peuvent vous aider à devenir un expert dans ces champs d’activité. En plus de notre propre Institut canadien des évaluateurs (ICE), il y a l’International Right of Way Association (IRWA), une organisation séparée qui se spécialise en consultation et en évaluation des DDP et qui offre sa propre certification IRWA. Oui, toutes ces initiales de certification suivant votre nom produisent une meilleure rémunération, grâce à l’éducation et aux compétences démontrées. Nous devons devenir des fixeurs de prix, pas des preneurs de prix.
Études de faisabilité
« Un rapport d’étude de faisabilité (REF) est une étude formelle documentée qui résume les résultats de l’analyse et les évaluations menées pour examiner la solution proposée et étudier les solutions de rechange de projet afin de déterminer si le projet est vraiment faisable, rentable et profitable. Il décrit et prend en charge la solution la plus réalisable applicable au projet. »
En 2015, notre firme a réalisé sa première grande étude de faisabilité. Il avait fallu sept ans pour accumuler l’expérience et la compétence requises pour en arriver à ce point. Il n’y a pas de chemin facile pour devenir un expert. Il n’y a pas de chemin facile pour maîtriser une compétence. Mais, une fois que vous la possédez, il est fort probable qu’elle se traduise par un flux de revenus, surtout si vous êtes en mesure d’articuler votre compétence.
Une étude de faisabilité est un rapport avancé, une envergure des travaux élargie et la réponse adaptée aux besoins d’un client. Dans la plupart des cas, c’est un rapport de consultation et un rapport d’évaluation, rédigés conformément aux Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC). Cela requiert temps, expérience et compétence. Dans une étude de faisabilité typique, les bases de l’offre et de la demande servent à justifier l’utilisation optimale d’une propriété ou d’un site, puis diverses probabilités d’utilisation optimale sont testées pour déterminer l’utilisation la plus profitable. Nous utilisons les déclarations de revenu brut réel, les flux monétaires actualisés, les variables d’absorption et les calculs du coût d’exploitation. Les études de faisabilité peuvent aussi être personnalisées pour répondre aux besoins spécifiques d’un client. En retour, cela produira un nouveau flux de revenus, une plus grande confiance et la diversification recherchée. Les honoraires d’une étude de faisabilité peuvent aller de 10 000 $ à 30 000 $, selon sa portée.
Évaluations de machinerie et d’équipement
C’est la plus récente initiative de l’ICE pour garder nos membres mobilisés et diversifiés. L’ICE étant le plus grand leader en matière d’évaluation au Canada, nous étions logiquement l’organisation idéale pour encadrer l’évaluation de machinerie et d’équipement. La machinerie et l’équipement visent les chatels et non l’immobilier; il existe une norme distincte dans les NUPPEC pour cette compétence. Les NUPPEC stipulent: « Machinerie et équipement : terme qui décrit les aménagements physiques disponibles pour la production, y compris la mise en place des installations de service, ainsi que tous les autres équipements conçus ou nécessaires aux fins de fabrication, peu importe la méthode de mise en place. Le terme comprend également les articles de mobilier et les accessoires nécessaires à l’administration et au bon fonctionnement de l’entreprise. »
Les exemples d’évaluation d’équipement conventionnelle comprennent l’évaluation de restaurants. Dans ces types d’évaluation, nous sommes habituellement responsables pour tout l’équipement lié à l’entreprise en exploitation. Dans un restaurant, nous retrouvons, par exemple, des chaudrons, poêles, congélateurs, groupes compresseurs-condenseurs, fourneaux, tables, chaises, systèmes de terminaux de point de vente et enseignes, pour n’en nommer que quelques-uns. En plus de cela, nous évaluons habituellement les améliorations locatives apportées à l’immobilier. Ainsi donc, l’évaluation est un mélange de chatels et de composants associés ajoutés à l’immobilier. Les contrats de service d’évaluation d’équipement que notre compagnie a réalisés vont des Subways, Pizza Huts, dépanneurs et magasins d’alcools à tous les types de vente ou de refinancement de restaurants familiaux. D’autres exemples sont des compagnies d’aménagement paysager ou de béton, où nous évaluons une variété de véhicules et d’équipement spécialisé, incluant rétrocaveuses, niveleurs, chargeuses sur pneus et cages grillagées. Nous avons évalué de l’équipement agricole, y compris charrues, semoirs, générateurs, moissonneuses-batteuses et pivots d’irrigation.
Tous ces contrats de service sont exigeants et uniques, alors que chacun occupe sa propre niche. Par exemple, l’évaluation des tenures à bail requiert que nous examinions l’aspect légal du contrat de location, en nous assurant que la durée du bail et les options de renouvellement offertes soient suffisantes pour permettre l’amortissement du prêt. La machinerie, l’équipement et les tenures à bail sont logiquement amortis à des niveaux d’amortissement beaucoup moins élevés que l’immobilier. Les tenures à bail durent habituellement jusqu’à 10 ans, alors que la majorité des prêts pour l’équipement coure de 5 à 10 ans.
Les exemples d’évaluation de machinerie sont assez évidents; on définit en général la machinerie comme « des installations physiques disponibles pour la production ou des équipements conçus ou nécessaires pour des fins de fabrication. » Des exemples d’évaluation de machinerie vont des installations de fabrication aux installations de production. Notre firme a participé à des évaluations de lave-autos, ainsi que de tous les types d’installations de fabrication.
En effectuant ces types d’évaluations, nous devons suivre la Norme relative à l’évaluation de machinerie et équipement des NUPPEC pour créer le modèle qui rencontrera les exigences minimales. Chose la plus importante, vous devez prouver votre compétence. Vous pouvez développer celle-ci en demandant l’aide d’un mentor ou en suivant des cours sur l’évaluation de machinerie et équipement. Comme pour la désignation IRWA, il existe une autre organisation aux États-Unis, l’American Society of Appraisers (ASA). L’ASA est une certification accordée à ceux qui répondent aux exigences pédagogiques du programme. Cette certification peut être considérée comme le premier niveau de certification sur la machinerie et l’équipement, tant en Amérique du Nord que dans le reste du monde.
Il est également important de considérer les types de valeurs qui sont requis dans les évaluations de machinerie et d’équipement. Il devient de plus en plus important de spécifier le type de valeur marchande demandé par le prêteur, particulièrement pour les chatels et les actifs non immobiliers. Les définitions de la valeur varient en fonction des évaluations immobilières classiques : juste valeur marchande – enlèvement; juste valeur marchande – installé; valeur en utilisation continue; valeur de liquidation ordonnée; valeur de liquidation forcée; valeur de liquidation en place; valeur de récupération; valeur à la casse; coûts d’assurance – nouveau; ou valeur assurable dépréciée. La valeur en utilisation continue est une estimation typique que nous appliquons, même si chaque prêteur à ses propres directives de souscription et exigences d’évaluation.
Une variété de facteurs doit aussi être prise en compte, incluant les tarifs d’expédition, les tarifs d’installation, la conversion des devises et les droits potentiels chargés. Pour les méthodes de calcul de la valeur, nous appliquons généralement la méthode de comparaison directe, bien que nous utilisions aussi la méthode de coût pour corréler les valeurs par la dépréciation. Dans certaines circonstances, la méthode du revenu peut être employée avec l’équipement spécialisé, bien que cela devienne hypothétique dans certains cas.
Regard vers le futur
Que l’avenir réserve-t-il à l’ICE et aux évaluateurs de manière générale ? La technologie progresse plus vite que jamais et la pandémie actuelle nous a appris qu’il faut se montrer créatifs pour obtenir nos données en l’absence d’inspections physiques. Je suis d’avis que le travail de financement conventionnel pourrait s’automatiser davantage. Le travail dans les niches exigera toujours des évaluateurs expérimentés qui peuvent non seulement produire une valeur, mais qui sont aussi capables de la défendre dans une cour de justice. Le travail dans les niches permet à un évaluateur de devenir un fixeur de prix plutôt qu’un preneur de prix. Ce n’est pas facile. Vous devez prendre des risques et sortir de votre zone de confort. Il faudra exercer un équilibre délicat dans l’addition de nouveaux types de travail à votre répertoire et dans les coûts d’opportunité (temps) pour obtenir la compétence requise et limiter votre responsabilité. Dans le futur, je peux nous voir étendre nos évaluations d’entreprises, qui sont un autre segment de marché très en demande.
En tant qu’organisation et individuellement, nous devons croître constamment et évoluer au rythme des changements technologiques. Nous devons savoir ce que le marché attend de nous et, tout aussi important, connaître les lacunes du marché que l’ICE peut combler. Une chose est certainement vraie : si vous faites du surplace trop longtemps, vous serez toujours un preneur de prix. Si vous prenez des petits risques pour apprendre, si vous posez des questions et recevez du mentorat, vous pouvez commencer à cheminer pour devenir un fixeur de prix. C’est cette dernière alternative qui devrait être l’objectif ultime de tout professionnel.