L’évaluation de votre actif le plus précieux
Évaluation immobilière au Canada
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Par Dominique Paquet, membre stagiaire de l’ICE, Moncton, Nouveau-Brunswick
Note : Cet article est adapté d’une présentation de Dominique Paquet au congrès national de l’ICE 2022.
La pandémie a indéniablement touché la plupart d’entre nous, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, mais tout probablement les deux à la fois.
Le monde entier s’est arrêté tout d’un coup et, du jour au lendemain, nous avons été contraints d’interrompre les activités soigneusement planifiées, les objectifs de carrière et les projets de vacances. Un simple aller-retour au supermarché pour le strict nécessaire, ce qu’on a fait des centaines de fois sans même y réfléchir, est devenu un cauchemar d’étagères vides et de longues files d’attente, où les regards furieux abondent dès que la consigne de distanciation de deux mètres n’est pas respectée à la lettre, des regards menaçants même envers celui qui a le malheur d’être affligé d’une quinte de toux.
La fermeture instantanée des bureaux et des écoles sème la panique pour l’adaptation de notre espace de vie et l’obligation de laisser s’immiscer le travail et les études à distance dans notre intimité. Les zones tampons et les moments transitoires entre le travail, l’école et la vie de famille n’existent plus. Alors que les semaines s’étirent en mois, la fatigue extrême engendrée par les interruptions constantes dans notre quotidien et l’incertitude se fait sentir. Notre cercle social se limite maintenant à notre bulle familiale et le confinement nous rend mélancoliques à l’idée d’être isolés des collègues de travail qu’on avait pourtant peine à tolérer et de la famille pour laquelle on avait du mal à trouver suffisamment de temps.
Les lamentations sur le retour à la normale ont maintenant pris la place des plaintes habituelles sur la météo du jour. Pour certains, le confinement empêche l’échappatoire qu’un rythme de vie effréné et un horaire chargé offrent lorsque l’on évite l’introspection. Pour d’autres, moi y compris, il s’agit d’une occasion de prendre du recul et de réévaluer mes objectifs et mes priorités. Après avoir succombé à la tentation de visionnement en rafale des séries de Netflix et des siestes paresseuses de mi-journée, je me suis mis à la tâche puisque je me suis rendu compte qu’à travers le chaos et le grand dérangement que la pandémie a engendré, il existe une variable qui demeure constante : MOI.
Commencer par la fin
Je me suis rendue à l’évidence qu’il me fallait d’abord réexaminer ma vision des choses et que je devais apprendre à les considérer autrement. Mais par où commencer ? Dans son livre Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, l’auteur Stephen R. Covey nous fait découvrir la deuxième habitude : « Sachez dès le départ où vous voulez aller ». Il me semblait alors tout à fait logique d’imaginer qui je voulais devenir et ce que je voulais accomplir avant la fin de ma vie économique, de déterminer où j’en étais en ce moment présent, et de réfléchir sur la manière de combler la différence. Bien qu’il paraisse un peu morbide d’imaginer sa désuétude alors que la vie de tous les jours est une bataille incessante, il est tout à fait opportun de s’arrêter quelques minutes pour y réfléchir. J’éprouve parfois des regrets pour des paroles en l’air ou des décisions prises à la légère, mais je n’ai aucune envie de laisser passer l’occasion de vivre à fond avant qu’il ne soit trop tard. La fin est inévitable, qu’on se le tienne pour dit ! Le problème, c’est que personne ne sait quand ou comment elle va frapper, et nous vivons demi-conscients comme si elle n’arrivera jamais. Selon un sage proverbe marocain « Il ne faut pas perdre sa vie à la gagner. »
Les pressions de la société et notre conditionnement social nous obligent à joindre la course folle qui ne mène nulle part. Pourquoi ? De l’argent ? Des titres ? De l’autorité ? Le tout est bien illusoire après tout. Bien sûr, il n’y a rien de mal à travailler fort pour atteindre nos buts, réaliser nos rêves et nos objectifs ne devraient jamais être ignorés ou passer inaperçus. L’idée c’est de bien saisir le pourquoi derrière nos actions, et de profiter du parcours en cours de route. Le cheminement pour aligner nos objectifs avec nos valeurs est un parcours individuel qui ne pourrait être entrepris dans la simple visée de réaliser les attentes de quelqu’un d’autre ou de la société en générale. Vivez-vous selon votre utilisation optimale ?
Les 5 plus grands regrets
Dans son blogue, l’autrice australienne Bronnie Ware témoigne de son expérience de travail dans un centre de soins palliatifs alors qu’elle partage certaines réflexions inspirées par les confidences de ses patients en fin de vie. Ses millions de lecteurs l’ont finalement encouragée à compiler ses écrits dans un livre intitulé Les 5 plus grands regrets au moment de la mort, que voici :
- Je regrette d’avoir vécu en fonction des attentes des autres.
- Je regrette d’avoir trop travaillé.
- Je regrette de ne pas avoir exprimé mes sentiments de façon authentique plus souvent.
- Je regrette de ne pas avoir maintenu le contact avec mes amis.
- Je regrette de ne pas m’être permis d’être plus heureux.
Parmi les plus grands regrets, nul ne dit « je regrette de ne pas avoir passé plus de temps au bureau », ou bien « je regrette de ne pas avoir laissé les autres décider de ce qui est le mieux pour moi ». En fin de vie, je crois que ce que les gens regrettent le plus est les occasions manquées d’être heureux alors qu’ils pourchassaient des choses sans importance. Il est inutile de se leurrer, les gens qui nous suivent sur les médias sociaux auront tôt fait de passer à autre chose après notre départ. Je n’ai jamais lu un avis de décès qui mentionnait les actifs, les titres professionnels ou les propriétés que les gens laissaient derrière eux. Et vous ?
Le calme après la tempête
J’ai heurté un mur il y a un peu plus de trois ans. Une crise existentielle se préparait depuis un bon moment, mais j’en ai ignoré les signes jusqu’à ce qu’il soit trop tard. J’ai fait allusion à un surmenage à ceux qui me questionnaient pour éviter les commentaires, le jugement, et les conseils non sollicités.
J’en ai reçu le lot de toute manière, mais je n’avais tout simplement plus l’énergie ni le désir de m’expliquer ou de me défendre.
J’ai pris la décision de partager mon expérience lors du congrès annuel de l’ICE en juin dernier. À ma grande surprise, l’accueil a été des plus chaleureux. Plusieurs participants ont profité de l’occasion pour me confier leurs craintes, leurs préoccupations et d’autres aussi, leur désarroi. J’en ai déduit que, malgré les titres, l’apparence de succès et les accolades, nous sommes tous humains, d’abord et avant tout. C’est tout à fait normal de ne pas toujours se sentir bien.
J’ai emprunté le chemin sinueux de la guérison d’un pas ferme et résolu, d’un regard aussi détaché et impartial que possible. J’ai constaté que je vivais constamment en mode survie, réagissant aux évènements sur lesquels je n’avais aucun contrôle avec colère et frustration, et je m’étais bien ancrée dans mon rôle de victime. Il est bien plus facile de jeter le blâme sur les autres quand ça ne va pas, mais il faut une dose massive de courage et de conscience de soi pour prendre en charge sa propre existence.
J’ai lu quelque part que parfois, les mauvaises choses qui nous arrivent nous mettent sur le chemin d’une meilleure suite, et j’en ai fait ma réflexion quotidienne. S’il a fallu une remise en question complète pour éveiller ma conscience, j’en tirerai les leçons qu’il faut pour me remettre sur le bon chemin et me réinventer comme il se doit.
Alors que j’entreprends ma nouvelle carrière en tant que membre stagiaire de l’ICE, et que j’en apprends davantage sur les principes et les normes de l’évaluation immobilière, je me demande pourquoi on ne pourrait pas examiner notre vie avec autant de rigueur, de minutie et d’objectivité que nous ne le faisons pour les propriétés. N’avons-nous pas plus de valeur, en matière de potentiel et de talents, qu’une parcelle de terrain, de briques et de mortier ?
Évaluer l’évaluatrice
Examinons tout d’abord quelques éléments du modèle d’un rapport d’évaluation narratif pour déterminer si on peut appliquer la même logique.
Utilisation prévue
Il convient de procéder à une révision interne approfondie dès que survient un évènement majeur. Qu’il s’agisse d’un déménagement, un divorce, un nouvel emploi, la perte d’un être cher ou un diagnostic, la vie normale bifurque dans une nouvelle direction, et il n’en revient qu’à nous de prendre les décisions nécessaires pour gérer la situation.
L’inspection
Tout d’abord, je me devais de scruter tout ce qui représente le « moi » physique avec la plus grande franchise. Certes, cela semble être une tâche colossale, mais elle est tout à fait essentielle.
J’avais l’habitude de me regarder furtivement dans le miroir sans vraiment me voir, de peur de constater le moindre détail qui provoquerait l’habituelle litanie autocritique de mon apparence. L’image renvoyée me rappelait sans cesse un passé que je préférais oublier, les rides témoignaient du temps perdu, alors que les cicatrices et les ecchymoses dénonçaient ma maladresse légendaire. Quant à ma taille alourdie par les mauvais choix alimentaires et le manque d’activité physique, bref, je devais y voir sans perdre une seule minute de plus.
Le corps est une machine formidable capable de miracles incroyables, à condition d’y prendre soin. De fait, nous n’en avons qu’un seul pour toute la durée d’une vie et on en abuse comme s’il n’y avait pas de lendemain. Comme tout véhicule, il est possible de remplacer des pièces endommagées et de faire le plein seulement lorsque l’aiguille indique le vide complet, mais sans entretien régulier et l’essence nécessaire au bon roulement, on ne va pas bien loin. Aussi, se débarrasser de l’excédentaire de bagage permet une randonnée plus saine et paisible et évite les visites fréquentes chez le garagiste.
Hypothèses et conditions limitatives
Le philosophe anglais John Locke (1632–1704) avance l’idée que l’humain n’est pas né avec des principes innés, mais plutôt que nos principes sont le résultat de notre expérience et de notre perception du monde qui nous entoure. J’ai donc dressé la liste complète de mes hypothèses et des conditions limitatives que je m’imposais inconsciemment, et je les ai repassées une à une. J’ai conservé les hypothèses que je savais d’une vérité absolue, questionné celles dont j’étais incertaine, et j’ai rejeté toutes celles qui me limitaient ou nuisaient à ma tranquillité d’esprit.
Données historiques et caractéristiques pertinentes
Nous sommes tous nés dans un contexte différent, à un endroit et à un moment bien précis qui nous sont uniques. De plus, des jumeaux identiques ont des caractéristiques physiques et des traits de personnalité qui leur sont propres. Notre expérience du « moi » et du monde qui nous entoure nous appartient et nous devons porter une attention particulière à l’histoire que l’on se raconte et d’en changer l’optique lorsque nécessaire. Pour ma part, j’employais régulièrement les circonstances difficiles dans lesquelles j’ai grandi et mon manque d’éducation formelle comme excuses
pour mes lacunes et ma crainte d’échouer. J’ai décidé d’aborder la question autrement et de m’accorder la mesure de succès que je méritais selon mes efforts, en dépit des adversités de circonstances que je n’avais pas choisies.
Analyse de marché et données démographiques
L’interaction sociale est essentielle à l’être humain. Les études ont démontré que même l’individu le plus introverti souffre d’isolement et de solitude, menant vers la dépression et une espérance de vie réduite. Vous pouvez avoir des centaines ou des milliers de liens professionnels et personnels sur les réseaux sociaux et vous sentir seul au monde. Selon moi, le plus connecté nous sommes, le plus déconnecté, nous semblons être de la réalité. Les amis vont et viennent dans notre vie, les familles explosent, les couples se séparent et nous devons parfois prendre parti. La profondeur de nos liens relationnels devrait évoluer selon notre progression. J’ai malheureusement dû me retirer de certaines relations qui nuisaient à mon cheminement et entraient en conflit avec mes valeurs personnelles. Je sélectionne maintenant judicieusement les membres de mon entourage et les relations dans lesquelles je choisis d’investir mon temps et mon énergie.
Méthodes d’évaluation
Méthode de coût
J’ai effectué un retour aux études à 45 ans, avec l’objectif de quitter un environnement de travail démoralisant et carrément toxique. J’envisageais une brillante carrière comme traductrice à la pige, rêvant de transformer le monde un mot à la fois. J’étais amoureuse de l’histoire et de la théorie de la traduction, mais je me suis trouvée bien désenchantée par l’aspect technique et les rouages des affaires d’un cabinet de traduction. Le principe erroné du coût irrécupérable (sunk cost fallacy) aurait voulu que je continue dans cette veine, puisque j’y avais tant investi, mais je ne pouvais me résigner à passer les vingt prochaines années de ma vie à compétitionner avec les logiciels de traduction automatique qui ont dorénavant envahi le marché. D’ailleurs, je ne perds pas vraiment au change puisque les compétences que j’ai acquises me serviront et offrent une valeur ajoutée, peu importe où ma carrière va me mener.
Méthode de revenu
Nous méritons tous d’être rémunérés à notre juste valeur, d’être traités respectueusement et avec professionnalisme, peu importe que nous soyons travailleur autonome, salarié ou rémunéré à commissions. Cependant, l’avarice et l’arrogance mènent souvent à de bien mauvaises décisions, à des abus de pouvoir et à bâcler le travail pour gagner du temps. Je crois que nous avons tous, à un moment ou un autre, été témoins de comportement similaire. Aussi, nous avons tendance à sous-estimer la valeur de notre travail par peur de perdre un client. Toutefois, en faisant preuve de confiance envers nos employés et nos clients de manière respectueuse et équitable, nous établissons des liens professionnels solides et durables.
Méthode de comparaison
Il ne faut pas toujours de fier aux apparences. Nous formons des hypothèses sur la vie des gens en regardant les photos qu’ils affichent sur les médias sociaux, ce que l’on pense connaître par ouï-dire, ou parce qu’ils choisissent de partager avec nous. J’ai eu la malchance de travailler dans une équipe dirigée par individu qui répandait des rumeurs farfelues à mon sujet dans le but de me mettre à dos mes collègues. Une fois la colère et l’amertume estompées, j’ai compris que son immaturité et son insécurité démontraient un défaut de son caractère et non du mien. Les gens agissent parfois de manière déplorable lorsque leur ego démesuré est dégonflé.
Conciliation et conclusion de valeur
La conciliation des méthodes en titres ci-dessus ressemble étrangement au procédé d’évaluation. Une fois toutes les approches considérées et la mise en œuvre des ajustements nécessaires complétée, vous pouvez affirmer votre position et vos valeurs avec un certain niveau de confiance.
La réorientation des priorités entraîne nécessairement le délaissement d’un but ou d’un rêve aux dépens d’un autre. Une hausse de revenus implique parfois un coût caché en ce qui concerne l’augmentation du niveau de stress, de troubles du sommeil et de gestion des conflits d’horaire. Chaque individu a sa propre histoire, expérience, motivation et circonstance. Il est donc inutile de perdre son temps à se comparer aux autres. Le but est de tout prendre en considération dans son ensemble pour en arriver à une conclusion acceptable.
On a beaucoup parlé récemment de l’équilibre travail-vie personnelle et de la semaine de travail de 4 jours comme un incitatif pour attirer de nouveaux employés ou pour maintenir en poste les employés actuels. À mon avis, le premier est une impossible illusion, et le deuxième un écran de fumée.
L’équilibre exige que le poids soit le même sur les deux plateaux de la balance. Or, puisque nous n’avons tous que 24 heures dans une journée à notre disposition, et que le travail occupe la majeure partie de notre journée, l’équilibre parfait est impossible. Le travail fait partie intégrante de nos vies et devrait nous permettre de nous sentir valorisés et inspirés, en plus de nous procurer l’argent nécessaire au niveau de vie qui nous convient. La vie personnelle occupe généralement l’espace et le temps excluant le travail. N’aurait-il pas lieu alors de considérer l’intégration du travail dans la vie personnelle, ou vice-versa ? Est-ce qu’on travaille pour vivre ou est-ce qu’on vit pour travailler ?
Je ne suis pas encore convaincue que le même travail peut être condensé sur 4 jours plutôt que 5. Les études ont démontré que les êtres humains ne sont généralement productifs que durant un certain nombre d’heures non consécutives par jour puisque le niveau de concentration et d’énergie fluctue durant la journée. Si la prolongation des heures durant les 4 jours travaillés augmente les distractions, la fatigue et les erreurs coûteuses au point de diminuer la qualité du travail, en fin de compte, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Pour conclure, je vous mets au défi de prendre en compte l’affirmation suivante : personne ne viendra vous secourir. Vous y étiez au début, et ça sera vous jusqu’à la fin. Il ne tient qu’à vous de prendre en charge ce qui se passe entre les deux et d’assurer votre bien-être physique et mental. Votre vie est entre vos mains. Soyez bon envers vous-mêmes.
Références bibliographiques
* Les ouvrages non traduits sont listés en version anglaise.
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SINEK, Simon (2019), Les vrais leaders se servent en dernier, Maison d’édition Pearson, France, 368 pages.
SINEK, Simon (2019), Le jeu infini, Maison d’édition Pearson, France, 228 pages.
VAN DER KOLK, Bessel (2021), Le corps n’oublie rien, le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme, Albin Michel Littérature, France, 592 pages.
WARE, Bronnie (2013), Les 5 plus grands regrets au moment de la mort, Éditions Le Dauphin Blanc, Québec, 287 pages.
WINFREY, Oprah and PERRY, Bruce D., M.D., Ph.D. (2021), Que vous est-il arrivé ? Comprendre les traumatismes du passé pour reconstruire nos vies. Les éditions Michel Lafon, Montréal, Québec, 400 pages.