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La connexion : Un antidote à l’adversité

Évaluation immobilière au Canada

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2024 – Volume 68 – Tome 1
La connexion : Un antidote à l’adversité
ANDY PHAM, É. PRO., AACI

PAR ANDY PHAM, É. PRO., AACI

Je suis arrivé au Canada en 1980, encore trop jeune pour aller à l’école. Mes parents et moi venions d’achever notre fuite harassante du Viêt Nam, à une époque où les habitants du Sud-Viêt Nam tentaient de quitter le pays après la chute de Saigon, le 30 avril 1975. Ma famille a secrètement quitté Saigon pour le delta du Mékong afin de prendre un petit bateau de pêche pour fuir le pays par la mer. Après trois jours en pleine mer, et avec beaucoup de chance, nous avons accosté sur une île de Malaisie où nous nous sommes brièvement installés dans un camp de réfugiés à Pulao Bidong.

Ayant grandi au Canada dès mon plus jeune âge, je n’ai pas eu beaucoup de problèmes avec la langue, bien que j’ai suivi un programme d’anglais langue seconde pendant quelques années au début de l’école primaire. Cela s’explique principalement par le fait que nous n’avons pas laissé derrière nous la langue de notre ancienne patrie et que nous avons continué à parler exclusivement vietnamien à la maison. 

À Vancouver-Est, un enfant vietnamien grandissant dans une école comptant une grande proportion d’élèves asiatiques, il n’était pas incongru que les élèves les plus brillants soient asiatiques. En entrant à l’université Simon Fraser, c’était un peu la même chose. Souvent, les meilleurs et les plus brillants étaient asiatiques. À l’école, je ne m’identifiais pas à l’idée d’appartenir à une communauté marginalisée parce que, tout simplement, les Asiatiques constituaient le groupe dominant.

En entrant dans le monde du travail, j’ai commencé ma carrière dans le centre-ville de Vancouver. Contrairement à ce que j’avais vécu dans ma jeunesse, j’ai constaté que la plupart des professionnels travaillant dans le centre-ville n’étaient pas asiatiques. Fait inquiétant pour moi, j’ai également constaté que la plupart des recruteurs et des professionnels des ressources humaines – ceux qui avaient le pouvoir de m’embaucher – étaient tout, sauf asiatiques. 

Alors que je m’efforçais de trouver ma place dans le monde professionnel, j’ai découvert que certaines personnes se souciaient sincèrement de mes intérêts et partageaient gracieusement avec moi leurs connaissances durement acquises, dans le but de m’aider à me développer en tant que professionnel. Je leur en suis très reconnaissant. D’autres, en revanche, me considéraient essentiellement comme un moyen de production. J’étais intelligent, rapide et bon marché. Lorsque le moment est venu de demander plus en échange de mon temps, de mon énergie et des connaissances accumulées, je n’ai pas eu droit à une discussion ouverte, à un processus de planification ou, en fait, à un quelconque moyen de faire progresser ma carrière. Au lieu de cela, j’ai reçu une réponse simple et décourageante : non.

Ce moment m’a appris que la façon dont je me voyais n’était pas celle dont certaines personnes de mon entreprise me voyaient. Et parce que j’étais différent de mes collègues, mon employeur estimait qu’il lui était permis de rejeter mes demandes comme étant injustifiées et importunes. Je me pose la question suivante : si ces questions avaient été posées par quelqu’un qui ressemblait davantage au supérieur hiérarchique – quelqu’un de blanc -, auraient-elles reçu une réponse plus positive?

Telles sont les questions auxquelles sont confrontées les personnes issues de communautés marginalisées. Et pour ce qui est des réponses, les chances ne sont pas en notre faveur. Selon un rapport publié par PayScale en 2018, les personnes de couleur ont nettement moins de chances que les hommes blancs de recevoir une augmentation lorsqu’elles en font la demande. L’étude a révélé que les femmes de couleur avaient 19 % de chances en moins et les hommes de couleur 25 % de chances en moins de recevoir une augmentation par rapport à un homme blanc. 

Se pourrait-il que je sois confronté à des obstacles liés au racisme et aux préjugés? En attendant un changement global du système, j’ai considéré qu’il était possible, dans ma propre vie, de faire tomber les barrières au niveau individuel, c’est-à-dire une personne à la fois. Si mon environnement me faisait du mal, je le changerais.

Dans le passé, les gens m’ont souvent demandé : comment suis-je arrivé là où je suis aujourd’hui? Je leur ai souvent répondu que je m’étais fixé pour objectif de rencontrer des gens et de nouer des liens authentiques. Je rencontrais et invitais les gens à prendre un café ou à déjeuner sans discrimination. Si unepersonne était disposée à me parler, à me serrer la main, à échanger des cartes de visite et à convenir d’un rendez-vous à l’avenir, cela suffisait pour que je lui donne suite.

Voici une histoire que j’ai racontée à maintes reprises et qui montre comment un seul moment a changé l’ensemble de mon parcours professionnel. À l’époque, j’étais évaluateur et j’assistais au Vancouver Real Estate Forum. Je suis arrivé en retard dans la salle pour assister à une table ronde et j’ai salué la personne qui était immédiatement la plus proche de moi à la table. Nous avons échangé nos noms rapidement, regretté de ne pas avoir eu le temps de discuter, échangé nos cartes de visite, puis nous sommes repartis chacun de notre côté pour la journée.

Au cours des semaines suivantes, le travail s’est poursuivi et je me suis retrouvé à postuler pour une nouvelle opportunité dans l’immobilier. Parallèlement, j’avais pris contact avec la personne que j’avais rencontrée au forum et nous avions prévu de déjeuner ensemble. Pendant le déjeuner, nous avons parlé du fait que nous sommes d’origine asiatique, que nous avons travaillé dur pour nous frayer un chemin dans le secteur de l’immobilier et que nous avons été confrontés aux mêmes difficultés, à savoir que nous n’avons pas été pleinement acceptés. J’ai également découvert que mon nouvel ami venait de quitter un poste dans l’entreprise même où je venais de postuler. Le monde est petit! Nous avons terminé notre déjeuner, convenu de rester en contact et nous sommes repartis chacun de notre côté.

Environ une semaine plus tard, mon nouvel ami m’a appelé pour me demander comment s’était déroulée ma candidature. Je lui ai répondu que la personne chargée des ressources humaines de l’entreprise m’avait dit que je n’avais pas les qualifications requises et que je ne passerais donc pas d’entrevue. Mon ami m’a expliqué que le poste était le premier de deux postes disponibles dans l’entreprise. Le second s’était libéré à la suite d’un départ inattendu et mon ami m’a demandé si j’étais intéressé. Bien entendu, je l’étais. Mon ami a proposé de remettre mon CV directement au bureau et, avant la fin de la journée, mon CV était entre ses mains. Avant la fin de la semaine, l’entreprise m’a répondu et m’a dit de m’attendre à un appel des RH. Croyez-le ou non, la personne qui m’avait dit que je n’avais pas les qualifications requises m’a appelé pour organiser une entrevue au téléphone.

Cette société était la Financière Sun Life, et le reste appartient à l’histoire.

Aujourd’hui encore, je me rappelle que tout le monde mérite qu’on lui consacre du temps, ne serait-ce qu’un instant. Tendez la main, dites « bonjour », proposez d’entrer en contact si c’est bénéfique pour les deux parties. Il y a quelque chose à apprendre et à gagner de chaque interaction que vous avez avec quelqu’un d’autre. Elle peut même changer votre vie. Comment aurais-je pu savoir que la personne que j’ai rencontrée par hasard en moins de cinq minutes au Vancouver Real Estate Forum travaillait justement dans l’entreprise où je venais de poser ma candidature? Si je n’avais pas établi ce bref contact et si je n’avais pas fait suivre cette rencontre d’un déjeuner afin de nouer des liens par la conversation, je n’aurais jamais pu espérer en savoir plus sur le second poste, que j’ai fini par occuper.

Les professionnels de couleur, dans le domaine de l’évaluation ou ailleurs, feraient bien de se rappeler que faire preuve à plusieurs reprises de gentillesse, de compréhension et d’un esprit d’amitié sur une base individuelle peut être un bon moyen de montrer aux gens que oui, vous valez la peine d’être connu, de rester en contact avec eux et d’être embauché.

Au fil des ans, j’ai essayé d’enrichir mes connaissances, non pas au moyen de rapports de marché ou de résumés sectoriels, mais en prenant le temps de parler à ceux qui voulaient bien me parler. C’est un cliché, mais il est vrai que le temps est le bien le plus précieux. Par conséquent, lorsque quelqu’un accepte de passer son temps précieux avec vous, soyez ouvert, honnête et sincère. Les impressions vont loin, et on ne sait jamais où une impression forte et positive peut mener.

Lorsque vous prenez le temps d’entrer en contact avec des personnes de votre secteur d’activité, et même au-delà, vous réaffirmez qui vous êtes et ce que vous appréciez. Les gens se souviennent de vous si une occasion se présente. Vous créez une marque personnelle qui peut faire des merveilles pour vous, même lorsque vous n’êtes pas dans la salle. Vous créez un réseau positif prêt à évoquer votre nom dans leurs cercles d’influence, ce qui vous ouvre des opportunités qui, autrement, auraient pu être éloignées de vous de plusieurs degrés de connexion.

En conclusion, je dirais qu’il faut s’ouvrir aux autres. Soyez prêts à dire « oui » et à voir où cela vous mènera. Parce que, lorsque le monde oppose aux personnes de couleur des mots durs et un traitement injuste, les personnes de couleur répondent par la résilience et l’excellence.

À quoi cela ressemblera-t-il pour vous?