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Pratiques exemplaires – exemples sur le terrain

Évaluation immobilière au Canada

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2016 – Volume 60 – Tome 2
Pratiques exemplaires – exemples sur le terrain
David Babineau, Gordon Tomiuk, Allan Beatty, Robert Robson, Peter Lawrek, John Schevchuk

Renseignements fournis par le propriétaire : rester sur ses gardes

Dans le cadre des services qu’ils fournissent (évaluation, examen, consultation et études de fonds de réserve), les membres de l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) doivent souvent se fier aux renseignements donnés par les propriétaires (ou les renseignements donnés par le client si celui-ci n’est pas le propriétaire). Ces renseignements portent généralement sur la propriété en cause, notamment un résumé des revenus de location, des frais, des améliorations apportées, etc. Ces types de renseignements peuvent être fournis verbalement ou par écrit. L’utilisation des renseignements fournis par le propriétaire ou le client pose-t-elle problème? La réponse à cette question, comme à celles portant sur les enjeux des services liés à l’évaluation, se résume à « peut-être » ou « cela dépend ».

En nous reportant aux règles relatives aux activités d’évaluation (Règle) énoncées dans l’édition de 20141 des Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC), nous comprenons que dans un rapport d’évaluation, un évaluateur doit déterminer « l’envergure des travaux requis pour réaliser le contrat de service » (Règle 6.2.4).

Dans les commentaires relatifs à la pratique, cette règle est énoncée comme suit :

  • L’envergure des travaux doit être suffisamment large pour permettre l’établissement d’opinions/conclusions crédibles compte tenu de l’utilisation prévue de l’évaluation. Il incombe à l’évaluateur de justifier la décision prise relativement à l’envergure des travaux et au niveau de détail des informations comprises dans son rapport. (Règle 7.5.2)
  • L’évaluateur doit prendre les mesures raisonnables nécessaires pour s’assurer que l’information et les analyses fournies sont suffisantes pour permettre au client et aux autres utilisateurs prévus de bien comprendre le fondement de ses opinions et de ses conclusions. (Règle 7.16.1)
  • Lorsqu’il recueille et vérifie les informations pertinentes, l’évaluateur doit le faire de façon conforme à la norme relative à « l’évaluateur raisonnable ». (Règle 7.16.2)

Alors comment l’enjeu des renseignements fournis par le propriétaire/client est-il lié à la portée d’un rapport d’évaluation? En nous reportant à la Règle 7.5.2, nous comprenons que l’établissement d’opinions ou de conclusions dans une évaluation doit être crédible et que le fardeau de la preuve soutenant les informations revient à l’évaluateur. Par conséquent, si un évaluateur prend une décision en s’appuyant sur les renseignements fournis par le propriétaire ou le client, ces renseignements doivent provenir d’un avis crédible et l’évaluateur doit être en mesure de soutenir sa décision s’il fait confiance aux informations obtenues.

En gardant les exigences des NUPPEC à l’esprit, est-il possible qu’un évaluateur s’appuie sur les renseignements fournis par un propriétaire ou un client pour émettre des opinons et des conclusions crédibles? Je crois que la réponse est « bien sûr », mais il faut se souvenir que, pour soutenir sa décision de se fier aux informations reçues, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’évaluateur (qui utilise les critères d’un « Évaluateur raisonnable »).

Selon les NUPPEC publiées en 2014, un « Évaluateur raisonnable » est défini comme :

(…) un évaluateur qui fournit des services d’évaluation, d’examen, de consultation et de planification du fonds de réserve fondés sur des hypothèses rationnelles et selon une expertise et une compétence acceptables.

Alors, quelles sont les meilleures pratiques d’un « évaluateur raisonnable » pour s’assurer que les renseignements fournis par le propriétaire/client soutiendront des opinions et des conclusions crédibles pour une évaluation? La pratique la plus évidente consiste à utiliser une diligence raisonnable par l’intermédiaire d’une vérification indépendante sur un échantillon des informations fournies par le propriétaire ou le client. Par exemple, si le propriétaire a fourni un registre des loyers, l’évaluateur peut vérifier les loyers payés en interviewant les locataires lors de l’inspection de la propriété. En outre, si le propriétaire a fourni un résumé des dépenses engagées pour l’exploitation de la propriété, l’évaluateur peut faire une vérification à la source de ces dépenses; il peut s’assurer de l’exactitude des dépenses d’électricité au cours d’une année avec le fournisseur de ce service par exemple. Notez qu’une autorisation écrite du propriétaire peut être exigée pour avoir accès à ces documents.

En résumé, l’utilisation de renseignements fournis par le propriétaire ou le client peut être parfaitement acceptable pour la préparation d’un rapport portant sur l’évaluation, l’examen, la consultation ou la planification du fonds de réserve. Toutefois, l’évaluateur doit rester sur ses gardes et utiliser une diligence raisonnable lorsque la situation l’exige. Par ailleurs, le lecteur du rapport doit être clairement informé des démarches de l’évaluateur (ce qu’il a pu faire ou non) relativement à la vérification des renseignements fournis par le propriétaire ou le client. Souvenez-vous que l’évaluateur a l’obligation de produire un rapport comportant des opinions et conclusions qui sont crédibles et qu’il doit se préparer à soutenir ses décisions en fonction des renseignements reçus par le propriétaire ou le client. Les membres de l’ICE peuvent aussi consulter le Bulletin d’excellence professionnelle suivant : https://www.aicanada.ca/wp-content/uploads/BEP-Vérification-des-données-FRE.pdf

Contributeur : David Babineau, AACI, P. App., Fellow

Le temps est venu de revoir nos pratiques de mesure

Ce n’est pas le seul facteur qui détermine la valeur, mais la surface habitable d’une résidence fait partie intégrante de sa valeur. J’ai souvent entendu des membres affirmer : « pourquoi mesurer, j’ai obtenu la taille de la surface habitable établie par un service d’inscriptions multiples et les données municipales? » Et bien, si ces chiffres sont inexacts et que l’évaluateur n’a pas tenté de vérifier la taille de la surface habitable (démarche minimale) en obtenant un certificat de localisation produit par un arpenteur-géomètre ou en prenant lui-même les mesures sur place, il sera tenu responsable des erreurs que les autres auraient pu commettre.

Voici un exemple. Une municipalité a établi que la superficie d’une maison était de 1 236 pi2. Cette taille a été fournie par un courtier immobilier par l’intermédiaire d’un service d’inscriptions multiples. Au cours de son évaluation financière de la maison, un membre de l’ICE mesure la superficie de la maison et arrive à une dimension de 1 018 pi2. Cette mesure est confirmée par un certificat de localisation produit par un arpenteur-géomètre et une deuxième visite de la propriété pour être certain des mesures à 100 %. Le membre informe son client de cet écart et celui-ci en avise l’acheteur et les agents immobiliers qui sont en cause. Les acheteurs avaient décidé d’attendre les conclusions de l’évaluation avant de se décider. Si le membre s’était fié uniquement au service d’inscriptions multiples et aux données municipales, il aurait commis une erreur de 21,4 % dans son évaluation de la surface habitable.

Dans un autre cas récent, un membre s’est fié uniquement à la surface habitable d’une unité de condominium comme elle avait été déterminée par un courtier immobilier. La grandeur déterminée par la partie qui a réalisé l’évaluation est 10 % plus petite que celle définie par le courtier immobilier; il y a donc un écart. Les plans enregistrés pour la copropriété indiquent par ailleurs que la taille réelle de la surface habitable est en fait plus petite de 20 %. Le courtier immobilier pensait avoir utilisé les bonnes directives pour la mesure. La partie qui a réalisé l’évaluation confirme qu’elle n’a pas été en mesure d’inspecter l’unité en cause et qu’elle a émis des hypothèses pour réaliser ses calculs. Le membre n’a jamais tenté de mesurer lui-même l’unité ou d’obtenir les plans du bâtiment. Si l’erreur n’avait pas été mise en relief, une surévaluation importante aurait pu se produire.

Les membres doivent porter une attention particulière aux copropriétés puisque les pratiques entourant les mesures peuvent varier d’une province ou d’un territoire à l’autre, voire d’un projet à l’autre.

Les services des évaluateurs sont retenus pour leur estimation professionnelle de la valeur du marché en se fondant sur un ensemble de faits qui doivent être répertoriés de manière professionnelle. Les évaluateurs sont responsables de confirmer les données enregistrées. À l’occasion, la mesure de maisons au design contemporain est difficile à établir à partir de l’extérieur. Les évaluateurs doivent au moins faire l’effort nécessaire pour essayer d’établir la surface habitable en mesurant la superficie de l’immeuble au sol, en mesurant les étages supérieurs de l’intérieur ou en tentant d’obtenir un certificat de localisation ou des copies des plans de l’édifice. Les membres peuvent utiliser des dispositifs de mesure, notamment les rubans à mesurer de 50 ou de 100 pieds – très fiables – et les appareils laser. La divulgation est par ailleurs un élément important pour un évaluateur : ce qu’il a été en mesure de vérifier ou non, la source des renseignements qu’il a utilisés, les hypothèses pertinentes qu’il a faites et les limites auxquelles il a dû faire face.

L’évaluateur doit connaître les lignes directrices de l’ICE qui sont en vigueur pour le type d’édifice dont il établit la valeur. L’ICE propose d’ailleurs une grande gamme de conseils portant sur les mesures dans la section de son site Web réservée aux membres, sur la pagehttps://www.aicanada.ca/fr/professional-practice/measurement-practices/. Les membres peuvent aussi se reporter aux directives de BOMA pour les propriétés non résidentielles.

On ne peut se tromper lorsqu’on fait l’effort de prendre les mesures sur place. Ce petit effort supplémentaire pourra éventuellement vous faire gagner de précieuses heures si jamais votre rapport est remis en question.

Liens aux NUPPEC2 :

Norme relative aux activités d’évaluation – Règle 6.2.9 – Dans le rapport, le membre doit indiquer l’emplacement et les caractéristiques du bien immobilier ou de l’intérêt évalué.

Norme relative aux activités d’évaluation – Règle 7.5.2 – L’envergure des travaux doit être suffisamment large pour permettre l’établissement d’opinions et de conclusions crédibles compte tenu de l’utilisation prévue de l’évaluation. Il incombe à l’évaluateur de justifier la décision prise relativement à l’envergure des travaux et la profondeur des informations comprises dans son rapport.

Norme relative aux activités d’évaluation – Commentaire 7.10.1 – Caractéristiques du bien immobilier
[v. 6.2.9, 14.20, 14.28] – Pour l’utilisation prévue du rapport, les caractéristiques du bien immobilier doivent être analysées et mentionnées dans le rapport; notamment, mais sans s’y limiter, les caractéristiques physiques, les aspects légaux et les attributs économiques.

J’aimerais rappeler aux membres qu’en vertu de la règle normalisée d’éthique 4.2.3, il est contraire à l’éthique professionnelle d’un membre d’agir sciemment de façon trompeuse (et en vertu des commentaires 5.3.1 à 5.3.3).

Contributeur : Gordon Tomiuk, AACI, P. App., Fellow

Valeur prospective ou non?

Certains membres éprouvent des difficultés avec ce concept : à quel moment leur évaluation doit-elle être considérée comme « prospective »? Le plus souvent, la confusion survient lors de l’évaluation d’une nouvelle construction, dans les cas où la valeur de l’édifice doit être établie « comme si complété ». En présentant une « hypothèse extraordinaire » (c.-à-d. l’hypothèse que la construction est terminée), certains membres ont l’impression de fournir une valeur prospective; de manière générale,
ce n’est pas le cas.

On peut trouver des informations sur ce concept à la Règle 7.63 des NUPPEC de 20143. L’opinion sur la valeur prospective :

« se rapporte à une date réelle postérieure à la date du rapport : il s’agit donc d’une prévision (…). Les opinions sur la valeur prospective ont pour objectif de représenter l’opinion actuelle des intervenants du marché immobilier quant aux conditions qui prévaudront dans l’avenir. »

Lorsqu’un travail exige l’établissement de l’hypothèse extraordinaire que la construction d’une propriété est terminée, la propriété doit être traitée comme si elle existait au moment de l’analyse. Comme pour toute propriété terminée, l’analyse doit présenter le portrait du marché actuel en se fondant sur les ventes récentes pour formuler une opinion sur sa valeur. L’évaluateur doit faire son travail comme s’il inspectait une propriété réelle, à la différence que son évaluation doit se faire à partir d’un ensemble de plans et de spécifications. L’hypothèse est que la propriété est déjà terminée et qu’elle est évaluée maintenant.

Habituellement, cette démarche ne tient pas compte des conditions du marché qui se développeront pendant la période de construction. L’établissement d’une valeur prospective exige ce type de prévisions; elle est donc établie pour une date ultérieure.

Des valeurs prospectives peuvent être demandées pour des projets qui s’échelonnent sur plusieurs mois ou plusieurs années en tenant compte des conditions susceptibles de se présenter pour l’avenir. Par exemple, un projet pour la construction d’un complexe d’hébergement pour personnes âgées pourrait être évalué en fonction du moment où le taux d’occupation du complexe deviendrait stable. Si la tâche de l’évaluateur est d’établir la valeur de la propriété à partir de cette date ultérieure, alors il doit le faire en fonction des changements susceptibles de survenir dans le marché et les résultats de ces changements doivent être intégrés dans son analyse. La prémisse est différente de la théorie voulant que la propriété existe réellement à la date de l’évaluation et qu’elle est donc soumise aux conditions de marché connues à cette date.

La portée du travail en cause pour l’établissement d’une valeur prospective doit faire l’objet de discussions avec le client (ou avec l’utilisateur prévu, le cas échéant, et avec le consentement du client). De cette manière, toutes les parties comprennent que l’analyse tient compte des changements pouvant survenir dans les conditions du marché. En se reportant de nouveau à la Règle 7.63, on comprend que cet élément doit être clair dans le rapport :    

« Dans un rapport sur la valeur prospective, il faut utiliser un langage clair et une terminologie uniforme (c.-à-d. l’utilisation du futur dans l’ensemble du rapport), afin de ne pas induire le lecteur en erreur (…) »

Avis complémentaire : les évaluations « comme si complété » exigent habituellement l’établissement d’une hypothèse extraordinaire d’une condition hypothétique. L’hypothèse extraordinaire englobe l’aspect physique de la tâche – les enjeux comme la taille de l’édifice, la qualité de la construction et le type et la qualité de la finition. La source de ces éléments provient généralement des plans et spécifications. La condition hypothétique tient pour acquis que l’édifice existe, bien qu’il soit évident que ce n’est pas vraiment le cas (à savoir que l’édifice n’existe pas encore); cette condition est présentée pour des raisons d’analyse « raisonnable » uniquement. Pour donner un peu plus de perspective à tout ceci, pensez à une situation où l’édifice n’est jamais construit. Cette situation ne rend pas le rapport trompeur ou erroné. Toutefois, les membres doivent comprendre que, techniquement, ils présentent des hypothèses extraordinaires et des conditions hypothétiques; le lecteur du rapport doit comprendre clairement que ces deux éléments ont un rôle à jouer dans l’opinion qu’ils se font.

Contributeur : D. Allan Beatty, AACI, P. App., Fellow

Notes de fin de document

  • Au moment de rédiger cette publication, les NUPPEC de 2014 étaient toujours en vigueur. On rappelle aux membres qu’ils doivent se reporter aux NUPPEC de 2016 pour la liste complète des services professionnelles et pour les exigences pour les travaux achevés à partir du 1er mai 2016.