La taxe foncière est-elle reflétée dans le prix du marché des immeubles résidentielles ?
Évaluation immobilière au Canada
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Dans la plupart des municipalités canadiennes, les taxes foncières représentent maintenant une part importante des coûts d’accession à la propriété. Normalement, dans la théorie de l’évaluation foncière ou commerciale, on mentionne que la valeur des maisons ou leurs prix de vente déterminent les valeurs d’imposition qui, à leur tour, déterminent le montant des taxes foncières à payer compte tenu de divers taux exprimés en millième. Se pourrait-il, par ailleurs, que l’inverse existe et que les taxes foncières affectent les prix du marché payés pour des immeubles résidentiels?
Logiquement, avant de présenter leur offre d’achat d’une maison, les acheteurs prennent en compte les taxes foncières, tout comme ils tiennent compte d’autres facteurs tels que l’âge et la taille de la maison, l’emplacement, l’entretien et(ou) le nombre de salles de bains. Les impôts fonciers peuvent réduire la valeur d’une propriété si le loyer net réel ou imputé sur la propriété serait réduit, ou, comme l’a indiqué Oates dans The Effects of Property Taxes, ils peuvent augmenter la valeur des biens immobiliers si on pense qu’ils paient pour des améliorations publiques locales bénéfiques.
En théorie économique, cet effet sur la valeur est soutenu par ce que l’on appelle l’Hypothèse de Tiebout, qui est une théorie concernant les dépenses de l’administration locale. Selon l’Hypothèse de Tiebout, les acheteurs de maisons dans les zones urbaines administrées par des gouvernements multi-juridictionnels choisissent de vivre dans des quartiers qui leur donnent non seulement la maison qu’ils désirent, mais aussi le niveau de taxe foncière avec lequel ils sont à l’aise afin de jouir des services publics qu’ils désirent. À vrai dire, les acheteurs de maison choisissent d’acheter des biens (services gouvernementaux municipaux) à divers prix (taxes foncières) de différents fournisseurs (gouvernements locaux) comme dans n’importe quel marché.
Les gouvernements locaux sont en concurrence les uns avec les autres en offrant différents services et taxes foncières pour attirer différents acheteurs de maison. Les acheteurs maximisent leurs services publics ou leur satisfaction en s’installant dans la municipalité qui leur donne la bonne combinaison de taxes et de services. L’Hypothèse de Tiebout repose sur plusieurs hypothèses telles que la mobilité des consommateurs, les acheteurs ayant en main des informations complètes sur les taxes et les services publics, la capacité de l’acheteur à choisir entre différentes collectivités, des coûts de transport raisonnables, l’incapacité de certaines municipalités de fournir certains services et les économies d’échelle à un niveau optimal dans la prestation de services publics par un gouvernement local.
Grande Prairie, en Alberta, compte environ 80 000 habitants répartis dans deux municipalités :
- La ville de Grande Prairie constitue la zone centrale dotée d’un quartier des affaires, de zones commerciales desservies par des autoroutes, de zones industrielles et des zones résidentielles adjacentes.
- La ville peut être considérée comme une juridiction à service élevé/forte imposition.
- Le comté de Grande Prairie entoure la ville de terres rurales, de zones résidentielles et résidentielles rurales ainsi que de subdivisions industrielles.
- Le comté peut être considéré comme une juridiction à service élevé/faible imposition.
Le tableau suivant présente les dépenses des administrations locales, en tant que mesure de la prestation de services, dans les deux juridictions, par habitant au cours des dernières années. Les dépenses comprennent à la fois les dépenses d’immobilisations et les dépenses d’exploitation. Notez que les dépenses d’éducation ne sont pas indiquées, ce qui, en Alberta, est égalisé entre les municipalités. En 2016, les dépenses en immobilisations dans le comté représentaient 35 % de toutes les dépenses, alors qu’elles étaient de 30 % dans la ville.
DÉPENSES DES GOUVERNEMENTS LOCAUX PAR HABITANT À GRANDE PRAIRIE
ANNÉE COMTÉ VILLE
2014 5 368 $ 3 393 $
2015 6 176 $ 2 831 $
2016 6 242 $ 4 089 $
Même si le comté dépense plus de 50 % de plus par habitant que la ville, ses taux d’imposition résidentiels sont environ la moitié de ceux de la ville. Le taux en millième du secteur résidentiel du comté, y compris la taxe scolaire, est de 6,4884, comparé à un 12,6588 en 2017 pour la ville. Ce modèle de dépenses est possible étant donné le ratio élevé de propriétés non résidentielles dans l’assiette d’imposition foncière du compté par rapport au ratio de la ville; en 2016, l’assiette d’évaluation résidentielle de la ville représentait 68 % de l’assiette d’évaluation totale comparativement à un ratio de 44 % dans le comté. Le comté bénéficie d’une large assiette d’évaluation linéaire et non résidentielle. Les nouveaux projets industriels et d’entreposage préfèrent s’installer dans le comté, car on a tendance à y offrir de grands lots industriels comparativement aux lots plus petits fournis dans les anciens parcs industriels de la ville. Pour résumer, comme les deux municipalités offrent des niveaux de service élevés, la différence majeure entre les deux n’est pas les services offerts, mais les niveaux d’impôts fonciers.
Les acheteurs de maisons tiennent-ils compte des différences dans les niveaux de services municipaux et de taxes foncières dans la région urbaine de Grande Prairie? Oates, dans The Effects of Property Taxes, a trouvé une relation négative entre les impôts fonciers et la valeur des propriétés, s’ils n’étaient pas accompagnés d’un programme en expansion de services publics. De plus, Oates croyait que, si deux communautés offraient les mêmes services gouvernementaux locaux, celui qui avait des impôts fonciers plus élevés aurait des valeurs immobilières inférieures à celles de l’autre. Cebula, Foley et Houmes, dans leur étude fiscale, ont constaté que les impôts fonciers sont capitalisés dans un prix inférieur des maisons. Dans la région de Grande Prairie, si les acheteurs tiennent compte des taxes, on s’attendrait à ce qu’une augmentation soit payée pour des propriétés semblables dans le comté en raison de leurs impôts moins élevés. Le fardeau fiscal annuel plus faible devrait être capitalisé dans une augmentation du prix de vente.
Pour vérifier cette hypothèse, on a procédé à une analyse de ventes appariées dans trois nouveaux quartiers de la classe moyenne supérieure de la ville par rapport à des quartiers équivalents dans le comté. Une analyse de ventes appariées compare des maisons nouvellement construites presque identiques entre elles, à l’exception du facteur d’intérêt et de la différence de la taxe foncière résidentielle entre la ville et le comté. L’utilisation de maisons nouvellement construites est problématique, car certains acheteurs doivent estimer les taxes foncières parce que les maisons achetées peuvent ne pas avoir été entièrement évaluées aux fins de l’impôt foncier au moment de l’achat.
- L’analyse a utilisé les données d’évaluation de construction achevées.
- La valeur du terrain des ventes a été soustraite selon la valeur des ventes de terrains nus pour tenir compte des différences de localisation entre les quartiers.
- Sur les ventes de maisons appariées, le prix payé moins l’évaluation des terrains a été projeté, puis la différence de prix payé entre les quartiers a été calculée.
- Le différentiel d’impôt foncier annuel entre les maisons a été divisé par le différentiel des prix de vente pour donner un taux de capitalisation implicite du différentiel d’impôt foncier.
- La capacité des contribuables à consommer les services des gouvernements locaux dans les collectivités adjacentes n’a pas été prise en compte dans l’analyse.
- Il convient de noter que les projections de la valeur des terres entre les quartiers affectent de manière significative les différentiels de valeur.
Les résultats du tableau suivant confirment que les acheteurs résidentiels tiennent compte des différentiels d’impôt foncier dans les deux premières comparaisons de quartiers, mais pas dans la troisième.
QUARTIER | |||
VILLE | COMTÉ | Moy. Diff taxe/diff prix = Immobilisation supposée | Paires |
Arbor Hills | Whispering Ridge | 0,0655 | 3 paires |
Obrien Lake | Whispering Ridge | 0,0510 | 7 paires |
Grande Banks | Whispering Ridge | -0,0860 | 7 paires |
Les deux appariements (Arbor Hills/Whispering Ridge et Obrien Lake/Whispering Ridge) où cet effet s’est produit soutiendraient la théorie de l’Hypothèse de Tiebout. Ils indiquent une immobilisation de l’économie d’impôt à la valeur de la propriété d’environ 6 %, ou 17 $ en valeur pour chaque 1 $ économisé en impôt.
Les ventes appariées Grande Banks/Whispering Ridge indiquent une augmentation de la valeur des propriétés en raison de la hausse des taxes. Ce quartier est compliqué en ce sens que Grande Banks est une subdivision urbaine de classe supérieure dans un emplacement privilégié à proximité d’un grand parc et d’autres installations récréatives. Est-ce que cet emplacement exemplaire supplante le différentiel d’impôt plus élevé?
L’effet du différentiel d’impôt foncier sur l’offre de prix dans le marché de Grande Prairie est également confirmé par le fait que, ces dernières années, les quartiers de la classe moyenne supérieure et de la classe supérieure se sont développés à l’extérieur de la ville dans les lotissements de Whispering Ridge, Carriage Lane Estates, Maple Ridge Estates et Taylor Estates faisant partie du compté.
L’analyse ci-dessus indique que les taxes foncières reflètent non seulement les prix du marché, mais peuvent également avoir une incidence sur les prix du marché de l’immobilier résidentiel.
BIBLIOGRAPHIE
Tiebout Model, Wikipedia – The Free Encyclopedia, consulté le 8 août 2017
États financiers consolidés, 2014-2016, Comté de Grande Prairie
Bilan, 2014-2018, Ville de Grande Prairie
Budget Summary, 2015-2016, Comté de Grande Prairie
The Effects of Property Taxes and Local Public Spending on Property Values: An Empirical Study of Tax Capitalization and the Tiebout Hypothesis, W Oates, Journal of Political Economy, 1969
60 Years Later and Still Going Strong: The Continued Relevance of the Tiebout Hypothesis, Salz et Capener, The Journal of Regional Analysis and Policy, 2016
Property Tax Capitalization within a National Historic District versus Property Tax Capitalization outside that National Historic District: Another Application of the Tiebout Hypothesis, Cebula Foley Houmes, Jacksonville University, 2010