Revendications territoriales des Autochtones
Évaluation immobilière au Canada
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Norris Wilson, B.A., AACI, P. App., est le directeur principal de la recherche, de l’évaluation et de la consultation au Groupe Altus limitée à Ottawa. Il a près de quatre décennies d’expérience comme évaluateur immobilier et a été impliqué dans de nombreux projets importants en Ontario, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et au Québec. Bien qu’ayant évalué toutes sortes de propriétés, il s’intéresse à l’évaluation en matière d’expropriation, de revendications territoriales des Premières nations et des propriétés à usages spécifiques. Il a été déclaré témoin expert dans le domaine de l’évaluation de biens immobiliers devant différentes cours et divers tribunaux et a été conférencier à de nombreuses conférences de l’industrie au Canada et en Chine sur l’expropriation et l’évaluation d’intérêts fonciers partiels.
Norris travaille actuellement avec la Première nation du Lac des Mille Lacs, l’Ontario et le Canada sur une demande d’inondation historique impliquant des évaluations foncières à plusieurs dates entre 1875 et aujourd’hui. Il s’agit d’une revendication territoriale précise nommée du fait que la réclamation découle d’une plainte particulière, dans ce cas une inondation d’une partie de la réserve des PN LDML en 1875. Il a également travaillé comme consultant pour les Premières nations Rainy River sur la négociation réussie de leur revendication territoriale et, de concert avec un avocat, sur des questions de rémunération pour la Première nation Peguis dans ce qui est devenu le plus grand règlement d’une revendication particulière au Canada — 200 millions $. Comme un évaluateur pour les parties, il a évalué 20 000 hectares de terres rurales au Québec, 4 500 acres de terre dans le nord-ouest de l’Ontario, 1 100 îles noyées et endommagées par des niveaux d’eau élevés dans la voie navigable Trent Severn et des terres de réserve inondées par les barrages sur la rivière Qu’Appelle en Saskatchewan.
Introduction
Il existe trois grandes catégories de revendications territoriales au Canada. Les revendications importantes de droits autochtones dans des territoires traditionnels, qu’ils soient couverts ou non par un traité, sont désignées comme des revendications globales. À titre d’exemple récent, citons la décision de la Cour suprême en faveur de la nation Tsilhqot’in en Colombie-Britannique qui a reconnu leurs droits d’utilisation de leur territoire traditionnel et d’être consultés sur l’utilisation prévue de ressources. Tel que nous l’entendons, le titre aborigène n’est pas un titre en fief simple, mais il peut être considéré comme la somme des droits à l’utilisation traditionnelle des terres et le droit de s’exprimer sur l’utilisation des terres par les autres.
Les revendications particulières sont celles qui intéressent le plus les évaluateurs. Ce sont des revendications pour, entre autres, l’indemnisation à la suite d’abandon injustifié de terres, où le Canada a autorisé la cession d’une partie d’une réserve existante à un prix ou selon des modalités à l’encontre des intérêts de la Première nation. Parmi les autres exemples, citons le déplacement de cinq Premières nations vers une réserve et la vente des quatre parcelles libérées, ou convaincre la Première nation de renoncer à la réserve existante et d’accepter à sa place une terre de valeur moindre dans un endroit plus éloigné. Les revendications relativement à des inondations surviennent à la suite de modifications de cours d’eau pour le transport ou l’exploitation forestière qui ont provoqué l’inondation de la terre de réserve des Premières nations.
Une troisième catégorie de revendications s’adresse aux droits fonciers issus de traités, où chaque traité prévu pour la Réserve comprendrait un nombre d’acres pour chaque membre ou chaque famille et la Couronne n’aurait pas fourni suffisamment de terres pour satisfaire à cette obligation.
Généralement, quel est le rôle d’un évaluateur dans une revendication territoriale autochtone?
NW : Un évaluateur peut être appelé à préparer des évaluations pour le compte de la Première nation, la province ou le gouvernement fédéral, ou à préparer une évaluation pour considération par l’ensemble de la table de négociation. En cette époque soucieuse des coûts, ce dernier est le plus souvent privilégié par toutes les parties concernées.
En outre, les évaluateurs peuvent agir uniquement en tant que consultants pour l’une des parties afin de fournir des conseils en matière d’évaluation et, dans le cadre d’une équipe technique d’évaluation et d’examen, de définir le mandat en collaboration avec les consultants des autres parties. En tant qu’évaluateur principal à la table, une partie importante du rôle de l’évaluateur consiste à préciser le mandat, l’approche qui sera adoptée lors de l’évaluation, et la portée de l’enquête. Ainsi, tout le monde est à l’aise avec le processus en cours. L’évaluateur établit ensuite des jalons pour les différentes dates qui font partie de la revendication et entame la livraison d’un rapport en trois étapes. La première étape est un rapport préliminaire décrivant la propriété et les données de ventes recueillies par rapport à la revendication, mais ne faisant aucune analyse de la valeur. Les évaluateurs, les avocats et les autres professionnels pouvant représenter les différentes parties examinent le rapport préliminaire et fournissent leurs commentaires et leurs questions. Une fois que l’évaluateur a réglé de manière satisfaisante les commentaires et les questions, il ou elle passe à la deuxième étape qui constitue une ébauche d’un rapport final incluant une évaluation complète. On répète le processus d’examen par les autres professionnels et, une fois qu’ils sont satisfaits, le rapport final est terminé et présenté. Ce n’est peut-être pas la fin du processus puisque d’autres questions pourraient se poser au cours des négociations ultérieures nécessitant des éclaircissements de la part de l’évaluateur.
Quels sont les défis uniques auxquels fait face un évaluateur lorsqu’il travaille sur une revendication territoriale autochtone?
NW : Puisque les revendications territoriales sont habituellement de nature historique, le travail d’évaluation peut nécessiter la compréhension du marché et de l’économie locale dès les premiers colons. Mon travail sur les îles du canal Trent a impliqué des évaluations à 1832, 1855 et 1880, puisque le canal a été développé initialement par l’industrie forestière et a connu des inondations à certains stades. La compréhension de l’évaluation de terres agricoles et forestières a été nécessaire pour la première date, mais l’économie s’est diversifiée de façon significative par 1855 lorsque les chemins de fer se sont avérés un facteur et, dès 1880, l’économie forestière dans le sud de l’Ontario s’affaiblissait. On doit acquérir une bonne compréhension de la géographie économique historique afin d’interpréter les éléments de preuves de ventes obtenues en effectuant des recherches dans les dossiers du Bureau du registre.
Il peut aussi y avoir des défis présentés par la taille et la portée du terrain associé à la revendication. L’imagerie par satellite d’aujourd’hui a amélioré considérablement le processus, de même que l’utilisation des avions légers, les VTT et les motoneiges — dont j’ai utilisé à de nombreuses reprises.
Quels sont les récompenses et(ou) les inconvénients du travail d’évaluation sur ces revendications?
NW : On a l’impression que ça vaut la peine de consacrer son temps lorsqu’on aide à régler les griefs de longue date des Premières Nations. L’essentiel des relations du Canada avec les Premières Nations se veut la réconciliation, et le règlement des revendications territoriales s’inscrit dans ce processus.
L’un des désavantages de ce type de travail est le long processus, mais on peut espérer que le nouveau Tribunal des revendications particulières permettra d’accélérer les revendications en encourageant les parties à respecter un délai déterminé. De façon générale, où les revendications pourraient avoir pris jusqu’à 20 ans pour se régler, les mécanismes sont maintenant en place pour parvenir à un règlement en moins de quatre ans, ce qui demeure une longue période.
Quelles sont les compétences spécifiques que devrait posséder un évaluateur afin d’aborder efficacement les revendications territoriales des Autochtones?
NW : L’évaluateur doit faire preuve de respect pour les parties, d’une compréhension du fondement de la revendication, d’une compréhension des droits et obligations applicables du Traité, et aussi d’imagination pour être capable d’examiner les terrains d’aujourd’hui et de déceler les signes qui indiquent leur histoire. Par exemple, l’imagerie satellitaire peut indiquer une vieille configuration de champ sur un terrain qui est subséquemment revenu à une forêt, indiquant ainsi qu’à un moment donné il avait été cultivé.
Quelles techniques s’appliquent le plus dans l’évaluation de revendications territoriales autochtones?
NW : Parce que nous avons affaire à l’évaluation de terres, nous nous appuyons le plus souvent sur la méthode de la comparaison directe. De temps en temps, j’ai aussi utilisé la méthode résiduaire de lotissement. Cependant, la réflexion actuelle en matière du calcul de la valeur actualisée d’une revendication sur la perte d’usage d’un terrain prévoit une version de la méthode du revenu qui entraîne la définition de jalons pour la valeur du terrain à différentes périodes historiques, la détermination des taux de location du terrain et le calcul de flux de trésorerie. Le rendement économique à la terre qui en résulte est ensuite actualisé et constitue la base de la rémunération. Il s’agit d’un processus très complexe.
Est-ce qu’il y a une demande importante pour les services d’évaluation liée aux revendications territoriales autochtones?
NW : Puisqu’il s’agit d’un domaine d’évaluation très spécialisé, il n’y a pas beaucoup d’experts impliqués dans les revendications territoriales autochtones. Ceux d’entre nous qui effectuent ce genre de travail vieillissent et il existe un véritable besoin d’engager de jeunes évaluateurs. En outre, compte tenu du processus du Tribunal déjà mentionné comportant maintenant des avocats, des arbitres et des délais plus serrés, il pourrait y avoir une demande accrue pour des évaluateurs à titre de témoins experts.
Quant au volume de travail dans ce domaine, il existe un certain nombre de revendications en suspens en Ontario seulement qui sont à divers stades de la négociation. Vous pouvez trouver une liste de revendications de l’Ontario qui ont été acceptées aux fins de négociation à l’adresse https://www.ontario.ca/fr/autochtones/revendications-territoriales-en-cours
Une liste de revendications en cours pour le Canada est disponible à l’adresse http://services.aadnc-aandc.gc.ca/SCBRI_E/Main/ReportingCentre/External/externalreporting.aspx
Quels conseils donneriez-vous à un évaluateur qui envisage le travail de revendication territoriale autochtone?
NW : Soyez prêts à passer beaucoup de temps à attendre que les parties examinent votre travail. Comme je l’ai dit plus tôt, le processus de revendications territoriales se mesure en années.
Si un évaluateur veut entreprendre le travail de revendication territoriale autochtone, comment devrait-il s’y prendre?
NW : De temps en temps, l’Institut canadien des évaluateurs (ICE) offre des cours. Il y a aussi une quantité limitée de documentation à la bibliothèque de l’ICE et du US Appraisal Institute. Cependant, puisque le domaine est si complexe, je suggèrerais que le stagiaire effectue un stage avec un expert. Vous pouvez également établir des relations lors d’événements tels que l’Atelier national de recherche sur les revendications qui se tiendra à Ottawa en octobre. Bien que l’atelier soit plutôt pour les personnes impliquées dans l’aspect historique de la recherche des revendications, c’est un bon endroit pour rencontrer des personnes qui font partie du processus.
Suggestions de ressources pour plus d’information
http://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/land-claims/
https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100030285/1100100030289
https://www.ontario.ca/fr/autochtones/revendications-territoriales-en-cours