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Combler le fossé technologique

Évaluation immobilière au Canada

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2015 – Volume 59 – Tome 4
Combler le fossé technologique
Colin B. Johnston

Colin B. Johnston

L’immobilier commercial (IC) a toujours eu du retard par rapport à d’autres secteurs en matière d’investissement technologique, mais tout cela est sur le point de changer.

Par Colin B. Johnston, AACI, P. App., dirige la division d’évaluation du Groupe Altus à l’échelle nationale, y compris ses 300 évaluateurs et consultants à l’échelle du pays. Durant ses plus de 20 ans auprès du Groupe Altus, Colin est devenu l’un des professionnels les plus réputés du pays en évaluation et en consultation, concentrant tout particulièrement sur les actifs de première qualité au détail.  

Les promoteurs immobiliers et les propriétaires dépensent chaque année des milliards de dollars pour la vérification future de leurs actifs d’IC en utilisant les meilleurs matériaux, en améliorant leur durabilité ou en employant les tout derniers dispositifs d’immeuble intelligent conçus pour satisfaire les occupants les plus exigeants.

Pour un secteur capable de livrer des développements stupéfiants grâce aux techniques de construction les plus ambitieuses et sophistiqué, soutenu par des modèles de financement très innovants, il est surprenant de voir ces dépenses d’investissement plutôt modestes dans le domaine de l’IC, notamment pour ce qui est de comprendre le rendement des actifs. Depuis des décennies, le secteur de l’IC a généralement peu misé sur l’investissement technologique, comparativement à d’autres secteurs. Comme pourcentage des revenus globaux, l’IC dépense environ la moitié sur les infrastructures de TI, par rapport aux secteurs des services financiers et des infrastructures.[1]

Cela fut suffisant pour plusieurs années, surtout quand on voyait l’IC comme un investissement « accessoire ». Toutefois, comme les institutions investissent annuellement de plus en plus d’argent dans le secteur, l’IC est maintenant fermement établi dans la « quatrième classe d’actifs », avec les obligations, les actions et les devises. Les statistiques en témoignent. Il y a seulement 20 ans, l’IC ne représentait qu’environ 5 % de l’investissement institutionnel de capitaux dans les alternatives. Aujourd’hui, on vise 9,67 % de capitaux consacrés aux actifs d’IC, ce qui représente 6,7 billions de dollars US, alors que certaines estimations, y compris celles de PWC, avancent qu’elles pourraient doubler et se stabiliser à environ 20 % des portefeuilles institutionnels.[2]

Défis du glissement de l'IC vers la quatrième classe d'actifs

La nouvelle position de l’IC comme quatrième classe d’actifs a ouvert de belles avenues pour notre secteur, mais aussi de grandes attentes de la part des investisseurs, non seulement pour le rendement, mais surtout pour plus de transparence et de production de rapports. Reconnaissant que c’est un actif beaucoup moins liquide que les obligations, actions et devises, le glissement de l’IC vers la classe principale d’investissement signifie que les investisseurs souhaitent la clarté, la transparence ainsi que des données en temps réel.

Ces besoins accrus des investisseurs semblent contredire les conclusions du récent Rapport du Groupe Altus sur l’innovation, selon lequel 300 exécutifs de l’IC, représentant plus d’un billion de dollars d’actifs administrés, ont été interrogés sur la façon dont ils utilisent présentement la technologie. Les résultats montraient que plus du tiers des compagnies emploient encore des feuilles de calcul manuelles comme outil principal pour la gestion des actifs. Cela signifie qu’il existe potentiellement 11 billions de dollars en actifs d’IC présentement administrés avec des feuilles de calcul, avec tous leurs risques inhérents d’inefficience et d’erreur humaine.

Habitués à un régime d’accès instantané à l’information sur leurs investissements en actions et obligations, les investisseurs ont peu d’appétit pour les calculs et les prévisions effectués avec des feuilles manuelles, qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre pour faire les mises à jour sur les derniers taux, loyers ou taux de capitalisation. Les exécutifs de l’IC doivent donc répondre aux besoins de ces investisseurs, qui placent leur agent en espérant une livraison d’information sur demande et qui veulent de meilleures données, en plus grande quantité et plus souvent.

En outre, les résultats du rapport montre bien que les sociétés d’IC désirent véritablement consommer et digérer plus de données afin de prendre des décisions plus éclairées en matière d’investissements et de portefeuilles :

  • 70 % des sociétés sondées croient qu’elles ont besoin, soit de plus de données, soit d’autres paramètres pour étalonner leur rendement face au marché.
  • Plus des deux tiers des sociétés sondées croient qu’elles pourront obtenir un impact significatif dans le rendement du capital investi, si elles améliorent leur processus de prise de décision concernant la gestion de leurs actifs et de leurs portefeuilles.
Obstacles empêchant les sociétés d'IC de bien utiliser les données

Ce désir de données supplémentaires sur le rendement des actifs, que les clients nous demandent plus que jamais, devrait être accueilli les bras ouverts par les intervenants de l’évaluation. Malgré l’adoption lente de la technologie par l’IC, tant le rapport que nos propres conversations avec les clients nous montrent que la tendance se renverse et qu’un effort concerté pour combler le fossé technologique de l’IC prend de la vitesse au sein des sociétés. Dans une proportion de 77 %, les exécutifs de l’IC interrogés ont déclaré que l’investissement en technologie était une « importante priorité » pour leur société, ce qui nous indique que la plus grande partie du secteur prend cet enjeu très au sérieux.

Le manque de données supplémentaires est criant, et il semble que les compagnies d’IC soient maintenant prêtes à investir en conséquence, mais les sociétés d’IC ont de la difficulté à trouver comment recueillir, centraliser et vérifier ces données. En réalité, plus de la moitié des répondants de notre enquête doutent de la véracité des données avec lesquelles ils travaillent, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas entièrement confiance dans l’exactitude de ce qui est rapporté au sujet de leurs portefeuilles – une tendance évidemment préoccupante pour les évaluateurs.

Dans notre recherche, l’absence de données centralisées semble toucher la majorité du secteur de l’IC, plus de trois quarts des sociétés sondées fonctionnant avec des « réserves de données ». Dans la pratique, cela peut prendre des semaines, voire des mois, à produire l’évaluation globale de tout le portefeuille d’une compagnie, en raison de l’agrégation manuelle des données provenant de multiples sources. Une plateforme intégrée vous permet de voir cette information du plus haut niveau en temps réel; avoir celle-ci à portée de la main vous permet aussi d’analyser rapidement les conditions changeantes du marché et de prendre des décisions stratégiques d’investissement plus judicieuses.

Même si l’IC implique évidemment un échéancier beaucoup plus long que dans les autres secteurs − ses baux à long terme et ses projets de développement s’étalant sur plusieurs années −, il n’est pas à l’abri des macro-chocs qui peuvent rapidement changer l’humeur du marché. Pensons seulement au départ précipité de Target du Canada, le printemps passé, pour comprendre comment ces chocs peuvent affecter l’humeur du marché presque du jour au lendemain. La perspective du commerce au détail canadien est passée d’un optimisme célébrant l’arrivée d’une série de nouveaux détaillants étrangers à un sérieux problème créé par un trou noir de 15 millions de pieds carrés d’espace qui reviendra sur le marché incessamment. Dans le présent cas, les locateurs qui possèdent un système logiciel centralisé leur permettant de cumuler promptement leur portefeuille, évaluer leur exposition, appliquer une analyse de sensibilité et faire de nouvelles projections ont un net avantage sur les propriétaires qui recourent à un processus pouvant prendre des semaines pour agréger les diverses feuilles de calcul et les données déclinées en différents formats.

L’apparition de produits comme Voyanta, qui aident les sociétés d’IC à agréger, centraliser et améliorer la véracité des données, montre bien qu’il existe une demande pour améliorer les processus de gestion des données. Si nous savons nous y prendre, le potentiel pour le secteur sera immense. Non seulement cela rendra l’exercice plus transparent, augmentera la liquidité des actifs et améliorera le placement de l’IC dans une classe d’actifs, mais cela permettra d’exploiter la puissance des mégadonnées, dont deux tiers des exécutifs de l’IC sondés pensent qu’elles ont le potentiel de « transformer le secteur ».

Présentement, les compagnies d’IC génèrent une grande quantité de données provenant de plusieurs sources – internes et externes – telles données du marché, usage de laissez-passer de sécurité par les locataires des biens immobiliers et information sur la clientèle provenant des médias sociaux. Capturer, stocker et analyser adéquatement et en temps réel d’importants groupes de mégadonnées, structurées et non structurées, peut servir à dégager les tendances et les possibilités commerciales. Même si ça paraît simple, avoir la technologie appropriée est critique pour tirer le meilleur parti de vastes groupes de données. Comme l’indique notre recherche, les données résident habituellement dans plusieurs systèmes disparates, à l’intérieur et au-delà du coupe-feu, ce qui rend difficile de faire de bonnes analyses. Cependant, avant même que l’IC puisse commencer à songer aux bénéfices commerciaux découlant de l’analyse des mégadonnées, il doit d’abord poser les fondations technologiques sur lesquelles construire.

Plus de transparence

Pour les évaluateurs, peut-être l’amélioration la plus excitante que représente l’investissement dans la technologie est une plus grande transparence dans un marché que beaucoup de gens de l’extérieur considèrent encore comme opaque. N’oublions pas le rôle important qu’ont joué l’immobilier et, en particulier, les titres adossés à des financements hypothécaires d’immeubles de rapport dans la crise financière de 2008. La récession mondiale a sensibilisé un grand nombre d’actionnaires à la nécessité de plus de rapports, de transparence et de détails. Les résultats de notre enquête permettent également d’observer cette tendance, plus de la moitié des exécutifs de l’IC déclarant que les investisseurs exigent désormais non seulement des rapports plus fréquents, mais plus détaillés et en formats plus normalisés.

En accueillant la technologie et en permettant aux investisseurs d’accéder à des indicateurs de rendement clé, en temps réel et mis à jour, cette transparence accrue ajoutera de la liquidité au marché et aux actifs. Alors que l’immobilier se mondialise de plus en plus, disposer de données supplémentaires permet aux sociétés d’entrer avec confiance dans de nouveaux marchés en assurant les investisseurs qu’ils possèdent les renseignements appropriés pour prendre de bonnes décisions.

Avec plus de transparence, le besoin de normes d’évaluation internationales serait aussi un bienfait inappréciable pour la liquidité dans les marchés de l’IC. Nous avons vu des sociétés canadiennes, notamment notre capitale institutionnelle, ouvrir la voie en termes d’investissements transfrontaliers depuis quelques années. Alors que la demande d’actifs de base améliorés a augmenté, les taux effectifs se sont comprimés et les investisseurs ont commencé à regarder plus loin pour atteindre les cibles de rendement. Cela a forcé certaines compagnies à entrer dans de nouveaux marchés avec des informations imparfaites. Grâce à une plus grande transparence et une évaluation standardisée, les sociétés mondiales d’IC seront en mesure de comparer le rendement des actifs avec d’autres actifs identiques, ouvrant des marchés émergents à de nouvelles sources de capitaux. Notre travail en tant qu’évaluateurs consistera à soutenir nos clients à travers ce processus. Alors qu’ils accélèrent leur entrée dans les marchés internationaux, il importe que nous les accompagnions à chaque étape.

La relation du secteur de l’IC avec la technologie change visiblement et des bénéfices concrets attendent l’ensemble du secteur, surtout les sociétés qui l’adopteront en premier et qui pourront ainsi se démarquer. Les intervenants de l’évaluation au Canada doivent s’assurer que nous sommes à l’avant-garde de ces changements afin de pouvoir fournir à nos clients les bonnes données, au moment opportun et dans les bons formats et, par conséquent, permettre une intégration harmonieuse avec leurs propres plateformes technologiques.

Références

[1] Source : Service Innovation: Spending Metrics – IT Spending by Sector, IDC janvier 2015.

2 Source : Institutional Real Estate Allocations Monitor, Funk, D., & Weill, D., Cornell University’s Baker Program in Real Estate and Hodes Weill & Associates, LP, septembre 2014.