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Dommages immobiliers : l’évaluation de biens affectés par des conditions nuisibles

Évaluation immobilière au Canada

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2020 – Volume 64 – Tome 2
Dommages immobiliers : l’évaluation de biens affectés par des conditions nuisibles
Michael Tachovsky, Randall Bell, PhD, MAI

Dommages immobiliers : l’évaluation de biens affectés par des conditions nuisibles

Par Randall Bell, PhD, MAI, fondateur de Landmark Research Group, organisme spécialisé dans l’économie et l’évaluation des dommages, y compris les problèmes environnementaux, géotechniques, les défauts de construction, les catastrophes naturelles et les questions de pouvoir d’expropriation; et Michael Tachovsky, évaluateur général agréé et courtier immobilier qui est actuellement en études doctorales à l’université Fielding.

Lorsqu’on demande à des professionnels de l’évaluation d’analyser des biens immobiliers touchés par des conditions nuisibles, la tâche peut être ardue. Ces contrats de service sont souvent désignés de différentes manières, notamment par les termes « diminution de la valeur », « analyse des dommages » ou « dommages immobiliers ». Bien que ces cas puissent être complexes, il existe un ensemble de méthodologies établies qui facilitent une étude compétente.

Les Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada (NUPPEC) définissent une condition nuisible comme « un problème ou une condition qui peut entraîner une diminution de valeur, y compris : physique (par ex., capacité de portance du sol insuffisante ou vice de construction); externe (par ex., proximité d’une voie ferrée ou sous la trajectoire de vol d’un aéroport); environnementale (par ex., contamination du sol ou de la nappe phréatique), naturelle (par ex., zone d’inondation ou de séisme), et(ou) sociologique (par ex., scène d’un crime) »[1]

La définition donnée dans les NUPPEC fournit quelques exemples des principales catégories de conditions nuisibles, qui se composent de centaines de conditions nuisibles potentielles pouvant être organisées en 10 catégories de base, définies par le tableau de Bell:[2]

Le tableau de Bell

Catég. de CNNomDescription
IConditions généralesDescription de base et questions générales relatives au marché – Immobilier, franchise, commerce, FF&E, fonds de commerce, biens personnels, produits, services, etc.
IIConditions transactionnellesQuestions particulières relatives à la vente ou au transfert – Motivation, option, assemblage, détresse, financement, faillite, saisie, etc.
IIIDétresse et conditions  sociologiquesQuestions relatives aux pertes de vie et aux tragédies – Crime, guerre, terrorisme, accident, accident de voiture, catastrophe aérienne, déraillement de train, naufrage, décès, invalidité, maladie, blessure, etc.
IVConditions juridiquesQuestions juridiques – Pouvoir d’expropriation, contrat, délit de négligence, réclamation d’assurance, titre, ligne de lot, CC&R, privilège, caution, bail, historique, moratoire, zonage, servitude, etc.
VConditions externesQuestions de voisinage – Nuisance, proximité, bruit, odeur, danger, lignes électriques, aéroport, vie privée, vue, etc.
VIConditions de construction et fabricationQuestions de construction, d’équipement et de mécanique – Défectuosités, ingénierie, réparations nécessaires, conception, code, architecture, infestation, règlements, permis, etc.
VIIConditions du site et de l’infrastructureSols, géotechnique et questions relatives aux emprises – Drainage, nivellement, remplissage, fissuration, affaissement, glissements, routes, sols corrosifs, compactage, eaux souterraines, services publics, etc.
VIIIConditions environnementales et biomédicalesQuestions de contamination, de santé et de toxicité – Déversements, matières dangereuses, amiante (1979), peinture au plomb (1978), moisissures, radioactivité, métaux, solvants, produits biologiques, hydrocarbures, peste, épidémie, etc.
IXConditions de  conservationQuestions relatives aux ressources culturelles et naturelles – Habitat, espèces menacées, ressources naturelles et culturelles, archéologie, hauts-fonds, zones humides, surpopulation, etc.
XConditions naturelles et climatiquesCatastrophes naturelles et questions météorologiques – Inondation, ouragan, typhon, incendie, séisme, volcan, tornade, réchauffement climatique, tsunami, famine, sécheresse, tempêtes, etc.

Le tableau de Bell est un outil précieux que les professionnels de l’évaluation peuvent utiliser pour fournir une évaluation significative d’une condition nuisible. Par exemple, le tableau de Bell peut aider à identifier des propriétés classées dans des catégories similaires pour les utiliser dans des ventes jumelées ou comme études de cas.

Les étapes d’une condition nuisible

Les conditions nuisibles impliquent souvent une ligne de temps, qui est directement liée à la date de la valeur. Le cycle de vie d’une condition nuisible comporte trois étapes, à savoir : (1) l’évaluation (avant la réparation), (2) la réparation (pendant la réparation) et (3) le suivi (après la réparation). Bien que toutes les étapes ne soient pas nécessairement pertinentes pour chaque contrat de service relatif à une condition nuisible, chacune doit être prise en compte.

L’étape de l’évaluation a lieu lorsqu’un bien est évalué, généralement par des ingénieurs, des entrepreneurs ou d’autres experts qualifiés. Souvent, au cours de cette étape, l’étendue des risques associés à une condition nuisible est encore en cours de caractérisation. L’étape de réparation a lieu si des réparations sont nécessaires, et a lieu après l’étape d’évaluation. L’étape de suivi concerne les questions post-réparation et peut refléter des problèmes continus ou ultérieurs associés à une condition nuisible.

Modèle des conditions nuisibles (modèle CN)      

Le modèle des conditions nuisibles (modèle CN) peut être utilisé pour illustrer des questions fondamentales d’évaluation, bien qu’une grande variété d’illustrations supplémentaires puissent en être tirées. En d’autres termes, le modèle CN reflète un modèle de valeur possible, mais un nombre indéterminé de graphiques de sous-ensembles pourrait être applicable en fonction des données.

En général, la première étape de ces études consiste à évaluer le bien dans son état intact ou « non altéré ». Cela peut nécessiter une hypothèse. En déterminant ensuite la valeur « telle quelle », le modèle CN illustre la progression des étapes dans le temps. Compte tenu des différentes étapes d’une condition nuisible, il est important que les professionnels de l’évaluation connaissent l’état du bien concerné à la date réelle de l’évaluation. Il peut être approprié d’utiliser des hypothèses extraordinaires ou des conditions hypothétiques lors de l’établissement des valeurs d’un bien « comme si réparé ».

Méthodologie d’évaluation coût-utilisation-risque

Outre les trois étapes des conditions nuisibles, il y a trois sous-questions à prendre en compte dans chaque étape. Il s’agit (1) du coût, (2) de l’utilisation et (3) du risque. 

Les effets du coût représentent principalement des déductions pour les coûts de réparation ou de remise en état d’une condition nuisible. Ces coûts sont généralement estimés par une personne autre que l’évaluateur[3], et doivent inclure la prise en compte de toute augmentation des coûts d’exploitation due à la remise en état du bien. Les professionnels de l’évaluation doivent également être conscients que le marché peut ne pas reconnaître tous les coûts estimés comme ayant un effet sur la valeur.[4]

Les effets de l’utilisation reflètent les impacts sur l’utilité du site résultant de la condition nuisible. Si la condition nuisible ou son assainissement rend une partie du site inutilisable ou limite l’utilisation optimale future du bien, il peut y avoir un impact sur l’utilisation. La question clé est de savoir si l’utilisation et la jouissance normales du bien ont été altérées ou non. Pour ce faire, il peut être utile d’analyser l’ensemble des droits, y compris, mais sans s’y limiter, le droit de vendre, le droit de louer, le droit d’occuper, le droit d’hypothéquer et le droit de léguer (donner).  Parmi les analyses d’utilisation pertinentes, on peut citer : la perte d’usage, le retard du projet, l’analyse des baux fonciers, les servitudes de construction temporaires, l’étude des taux de capitalisation des revenus et des rendements, etc.  

Les effets du risque, parfois appelés familièrement « stigmates », représentent souvent la partie la plus difficile du contrat de service d’évaluation. Ces effets découlent de la perception par le marché d’un risque et d’une incertitude accrus. En d’autres termes, la question est de savoir si la condition nuisible, même après des réparations, a rencontré ou non une résistance du marché en raison de la divulgation de cette condition? L’analyse des effets du risque et de l’incertitude accrus sur la valeur des biens doit être fondée sur les données du marché, plutôt que sur une opinion ou un jugement non étayé.  

En considérant les trois étapes des conditions nuisibles, ainsi que les coûts, l’utilisation et les risques, les professionnels de l’évaluation peuvent envisager de nombreuses techniques pour déterminer, le cas échéant, l’impact d’une condition nuisible sur la valeur d’un bien. Parmi ces techniques, on peut citer les ventes jumelées, la vente/revente, les études de cas, la régression multiple, la régression simple, les études de marché, l’analyse documentaire, les taux de saisie, le volume des ventes, les jours sur le marché, les remises d’inscription, les ajustements des taux hypothécaires, les ajustements d’assurance, le retard de projet, la perte d’usage, l’analyse des servitudes pour construction temporaire, l’étude des taux de capitalisation des revenus et des rendements, et d’autres méthodes.

Compte tenu des nombreuses techniques disponibles, un professionnel de l’évaluation doit savoir ce qu’il mesure. Traditionnellement, pour l’évaluation d’un bien immobilier qui ne présente pas de conditions nuisibles, il existe trois méthodes d’évaluation : la méthode du coût, la méthode du revenu et la méthode de la comparaison directe. De même, il y a trois considérations à prendre en compte dans l’évaluation d’un bien affecté : les effets de coût, les effets d’utilisation et les effets de risque. Bien que les trois méthodes d’évaluation traditionnelles soient différentes des trois considérations d’une analyse de dépréciation, elles présentent une corrélation évidente.

ASPECTS ÉCONOMIQUES DES DOMMAGES IMMOBILIERS

Bien intact Méthodes traditionnellesBien affecté Méthodes des dommages immobiliers
Méthode du coûtEffets du coût
Méthode du revenuEffets de l’utilisation
Méthode de comparaison directeEffets du risque

Matrice des conditions nuisibles

Une matrice des conditions nuisibles (matrice CN) peut être utilisée pour décrire les étapes d’évaluation, de réparation et de suivi en relation avec les questions de coût-utilisation-risque. Pour les professionnels de l’évaluation, la matrice CN est un cadre qui englobe toutes les étapes potentielles d’une condition nuisible, ainsi que tous les impacts liés aux coûts, à la perte d’utilisation ou d’utilité, ou aux risques. Tout en étant complète, la matrice CN est également un outil simple pour expliquer le processus au client ou à un jury.   

La matrice CN sert d’outil pratique pour organiser les nombreuses questions qui accompagnent le contrat de service d’évaluation d’une condition nuisible. Bien que tous les quadrants ne soient pas nécessairement applicables, en prenant un quadrant à la fois, on parvient à procéder à une analyse plus claire. Chaque quadrant doit être pris en compte, mais il se peut qu’il ne soit pas pertinent pour un contrat de service donné.

Conclusion

Bien que les professionnels de l’évaluation soient des observateurs de l’immobilier et que la reconnaissance, la détection ou la mesure des conditions nuisibles dépassent souvent le cadre de leur expertise,[5] la mesure des effets d’une condition nuisible sur la valeur d’un bien ne devrait pas l’être. Le modèle des conditions nuisibles, la méthode d’évaluation des effets coût-utilisation-risque et la matrice des conditions nuisibles fournissent aux professionnels de l’évaluation un cadre pour traiter de tels contrats de service.

Renvois

[1] Institut canadien des évaluateurs, Normes uniformes de pratique professionnelle en matière d’évaluation au Canada, en vigueur le 1er janvier 2020, Définitions 3.19.

2 Randall Bell, Real Estate Damages, 3e édition (Chicago, IL: Appraisal Institute, 2016): 29.

3 Institut canadien des évaluateurs, exposé-sondage des Notes relatives à la pratique en date du 7 mars 2019, paragraphe 4.5.1.

4 Thalheimer et Parker, « Gérer la contamination pour l’utilisation productive, le développement et le retranchement des biens immobiliers » Évaluation immobilière au Canada, vol. 59, no 3 (2015).

5 Institut canadien des évaluateurs, The Appraisal of Real Estate, 3e édition canadienne (Colombie-Britannique : Division de l’immobilier de l’U.C.-B., 2010): 6.2.

6 Institut canadien des évaluateurs, exposé-sondage des Notes relatives à la pratique en date du 7 mars 2019, paragraphe 4.6.1.