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Le paysage changeant des grandes villes

Évaluation immobilière au Canada

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2021 – VOLUME 65 – Tome 4
Le paysage changeant des grandes villes
Ryan Swehla, Co-PDG de Graceada Partners

Par Ryan Swehla, Co-PDG de Graceada Partners (http://GraceadaPartners.com), une société de placement immobilier située à Modesto, en Californie. Il dirige l’activité d’investissement de la société, fournit une direction stratégique et supervise la recherche de capitaux pour leurs actifs. Créée pendant la Grande Récession de 2008, Graceada Partners administre présentement des actifs d’une valeur dépassant 500 millions $.

Ce qui se passe dans les zones urbaines, c’est plus que des gens qui changent d’adresse; l’univers du travail se transforme énormément et cela influe sur l’avenir de la stratégie du placement immobilier.

Deux choses peuvent être vraies en même temps :

  1. Les gens ont délaissé les grandes villes d’Amérique du Nord (l’exode se poursuit); et
  2. Les gens vont en masse vers ces marchés, parce qu’ils possèdent une essence que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

C’est une histoire de cause et d’effet. Certaines personnes quittent les grandes villes, ce qui en amène d’autres à les remplacer, tout en étant accueillies avec des coûts relatifs moins élevés. En somme, c’est l’offre et la demande. Le logement offre bien peu d’options dans les villes congestionnées, alors qu’on souhaite de moins en moins vivre dans ces secteurs dispendieux. Mais, le véritable déclencheur est l’offre qui a diminué initialement plus que la demande. Ce glissement continuera à produire une demande qui augmente et qui rattrape le taux relatif de l’offre. Ainsi, les gens vivant à l’extérieur du secteur de la baie (de San Francisco) verront de meilleurs taux et considéreront qu’il est maintenant temps d’aller vivre dans ce marché.

L’avenir du travail à court terme

Il y a un an, nous projetions l’avenir du travail et les cinq principaux aspects de cette tendance dans la revue Évaluation immobilière au Canada. Premièrement, la montée des marchés secondaires (qui étaient l’entrée dans notre rapport subséquent détaillant l’avant-poste économique, que je décrirai plus loin). Alors qu’un nombre incalculable d’employés travaillent toujours de la maison, les villes secondaires comme Sacramento, Nashville et Salt Lake City verront leurs populations augmenter continuellement. Ces marchés secondaires étaient également à la hausse avant la pandémie, mais la décentralisation des espaces de bureaux et la multiplication des emplois permettant de travailler à distance accentuent cette tendance. Deuxièmement, les employeurs vont continuer d’analyser le pour et le contre de leurs espaces de bureaux – ils seront beaucoup plus délibérés, en réduisant potentiellement leurs effectifs ou en déménageant dans un nouvel espace, plus ouvert, ou encore en adoptant des modèles plus flexibles. Cette priorisation d’un modèle hybride a mené à des marchés secondaires établis à la fin de 2020, modèle qui reste populaire aujourd’hui.

Troisièmement, l’espace de bureaux partagé (ou modèle WeWork) est prêt à réapparaître à l’époque d’un travail plus flexible. L’année 2020 a été turbulente, pour dire le moins, forçant les gens et les employeurs à faire preuve de souplesse. Quatrièmement, alors que l’immobilier des centres-villes est « sous-évalué » par les normes antérieures, les entreprises plus petites investiront dans ces emplacements afin de grimper les échelons corporatifs. Ce phénomène entraînera en partie la revitalisation des marchés primaires, ce qui est déjà le cas pour certains d’entre eux depuis quelques mois. Enfin, les microentreprises auront plus d’opportunités et de mobilité à mesure que les entreprises plus petites prennent racine.

La valeur à la hausse des marchés secondaires

Dans un rapport que nous avons publié l’hiver dernier, nous examinions de plus près les marchés secondaires, car certains commençaient à montrer des signes qu’ils devenaient des avant-postes pour les métropoles plus populeuses. Cet effet nous a inspiré le terme « avant-poste économique » pour décrire les marchés secondaires qui pourraient agir de concert avec leurs marchés primaires voisins. Nous avons expliqué la raison d’être de cela comme le modèle « étoile et satellites ». Par exemple, une ville comme Modesto, dans la vallée centrale de Californie, posséderait une main-d’œuvre croissante connectée par un satellite métaphorique à l’étoile symbolique : San Francisco.

Nous sommes allés plus loin en déclarant que les bureaux des marchés primaires auraient des emplacements satellites dans ces plus petites villes pour se diversifier et pour suivre la piste des employés qui partent pour ces marchés secondaires. Dans le rapport, nous avons projeté que la demande de bureaux ne diminuerait pas et même dans certains marchés qu’elle allait augmenter en raison de l’attrait du modèle étoile et satellites. Tenant compte de cela, nous avons noté que la valeur des édifices en hauteur des centres-villes reculerait de 10 à 15 % d’ici quelques années, à cause de la dissémination vers l’extérieur et dans les marchés secondaires. En outre, nous avons anticipé une baisse des coûts assumés par les employeurs, incluant les dépenses immobilières. Cette tendance globale nous porte à croire qu’une renaissance pourrait survenir dans les villes ouvrières traditionnelles si les circonstances et les intérêts s’y prêtent.

Pourquoi les marchés primaires ne disparaîtront pas de la surface de la Terre

Une notion populaire, bien que mal avisée, voulait que les grandes villes connaîtraient une diminution à long terme de ses résidants quelques mois après le début de la pandémie, quand les gens ont commencé à redouter la vie dans des endroits exigus et à reconnaître l’effet négatif des confinements pandémiques sur leur désir de déménager. Toutefois, alors que certains secteurs ont vu leur population moyenne diminuer, ce fait ne suffit pas à peindre tout le portrait. Les gens sont opportunistes, et ce qui est considéré comme une « opportunité » peut faire basculer la demande comme un pendule en seulement quelques mois.

Il y aura une résurgence de l’entrepreneurship dans les marchés primaires, que viendront occuper les jeunes professionnels et les entrepreneurs expérimentés. Nous en avons parlé dans notre récent rapport, intitulé Rebirth of a City: Why Primary Markets are Primed for Revitalization. Ces nouveaux arrivants remplaceront les personnes qui sont parties pour des marchés secondaires ou ailleurs. À cause de ce cycle naturel, des nombres comparables de gens arriveront dans des marchés comme Chicago et San Francisco, comme d’autres qui peuvent se déplacer vers des marchés plus abordables. L’infrastructure – tant les chaussées littérales reliant les édifices que les réseaux intellectuels de personnes – existe déjà dans les marchés primaires, et reproduire cela est dispendieux, voire impossible, au sens monétaire et sur le plan logistique.

Les professionnels actifs dans les grandes villes doivent presque toujours suivre les fluctuations de la demande là où ils récolteront les plus grands dividendes. Ce sont les types de gens qui prennent des risques plus calculés; ils tentent d’acquérir les meilleures compétences et les appliquent dans les meilleurs endroits. Ce sont les types de gens qui voient les importantes décisions de vie comme celles-là comme un stock : les « actions » de vie à New York sont moins chères, alors les jeunes professionnels, mettons de Rochester, qui veulent améliorer leur sort et capitaliser sur la valeur marchande plus faible que d’habitude dans la Grosse Pomme frapperont tandis qu’ils le peuvent toujours. Il en coûtera plus cher de louer à New York que dans le nord-ouest de l’État, mais comparativement moins que s’ils avaient fait cette transition de vie en 2017, par exemple.

Lacunes pour certaines villes, opportunités pour d’autres

Malgré l’optimisme entièrement justifié de la dernière section, ça ne se passera pas toujours bien dans toutes les grandes villes. Les villes où les emplois ou les opportunités de logement sont rares stagneront. Supposons que les entreprises décident de ne pas investir dans des espaces de bureaux plus économiques que la moyenne et/ou n’embauchent pas de nouveaux employés dans ces marchés (c.-à-d. qu’il n’y a pas de travailleurs à distance dans ces villes données). Dans ce cas, les jeunes professionnels – ou tout professionnel actif, quant à cela – ne seront pas incités à migrer vers ces zones métropolitaines. Une réduction de 20 % du loyer est sans importance si une personne n’a pas d’emploi pour le payer. Par surcroît, les villes qui ne trouvent pas des moyens d’inciter les gens à s’y établir souffriront le plus. Si on n’y trouve pas de bons divertissements ou des attractions amusantes pour faire en sorte que les gens aient envie d’y rester, ils partiront. Toutefois, les villes où les prix des loyers sont plus bas et qui attirent davantage de travailleurs à distance ou qui incitent les entreprises à y ouvrir des bureaux satellites sont en mesure de prospérer.

Cela devrait être évident, étant donné que la plupart des gens qui ont quitté les grandes villes n’y retourneront pas. Ils connaissaient les avantages des grandes villes : excellents restaurants, beaucoup de plaisir et une grande diversité de personnes, d’importants segments des arts, allant de la musique à la peinture, en passant par le théâtre – et ils ont quand même décidé de partir. Nul doute que certains en viendront à regretter leur décision, surtout parce que plusieurs points d’intérêt ont fermé leurs portes durant la pandémie, mais en général, ceux qui ont pris l’initiative de s’en aller ne sont pas chauds à l’idée de remballer leurs affaires et de revenir.

Par conséquent, c’est aux villes et aux employeurs qu’il appartient de trouver des façons d’encourager de nouveaux résidants à appeler chez-nous leur marché primaire. À titre d’investisseurs dans l’immobilier commercial, il pourrait être utile d’examiner les initiatives prises par les autorités locales et les propriétaires d’entreprises au sein de leurs collectivités. Si ces deux groupes ne s’attaquent pas aux défis du moment ou restent passifs devant la recherche de solutions, c’est un sérieux avertissement.

Connaître le comment, le quand et le quoi en matière de valeurs des propriétés dans la période post-pandémique

J’ai effleuré le sujet dans la dernière section concernant la qualité des placements immobiliers commerciaux dans les marchés primaires et ce qui augmenterait leur valeur. Le même standard pourrait être appliqué aux villes canadiennes comme Montréal et Toronto. Supposons que les leaders de ces grands marchés trouvent des façons d’inciter les gens à venir (ou revenir, s’ils sont partis durant la pandémie) dans la grande ville. Dans ce cas, les employeurs des entreprises feront vraisemblablement le reste du travail pour amener du monde dans ces villes.

Une partie de l’équation réside également dans l’immobilier résidentiel, qui devrait demeurer résidentiel et qui est converti en espaces commerciaux. Les propriétaires d’appartements qui créent des espaces de travail dans leurs immeubles résidentiels créeront de nouveaux bureaux pour les travailleurs à distance. De plus, alors que les prix des loyers baissent dans plusieurs marchés primaires, il pourrait être très avantageux de convertir certains immeubles en propriétés commerciales si les ordonnances et les règlements de zonage locaux permettent une telle transition. En résumé, les propriétaires d’appartements qui créent ces espaces de travail seront florissants à long terme.

Les compagnies qui adoptent le travail de bureau intentionnel seront les grandes gagnantes. Toutefois, nous savons que la collaboration en personne ne peut pas être remplacée dans la même mesure. Oui, la vidéoconférence est une excellente alternative lorsque les clients se trouvent dans l’autre moitié du pays (et surtout à l’étranger); pourtant, vient le moment où réunir tout le monde dans la même salle pour pondre un plan ou un rapport est l’option idéale.

La pandémie s’estompera inévitablement, ce qui signifie que les valeurs des propriétés augmenteront avec la population et l’inflation. Garder à l’esprit les signes avant-coureurs est la meilleure façon de prédire l’avenir, mais, comme avec toute chose, il n’y a pas de certitude, même si tous les signes pointent vers quelque chose qui ne se produira finalement pas. Cependant, avoir plus d’éléments dans votre analyse avant d’investir dans une propriété améliorera vos chances d’obtenir un placement qui vaut la peine. Même en des temps étranges, il est bon de retourner à l’essentiel plutôt que d’acheter réactivement des propriétés qui se vendent simplement en dessous de la valeur du marché.

L’avenir des calculs du risque immobilier

La vie post-pandémie donnera une lueur d’espoir aux marchés primaires traditionnellement solides. Les jeunes professionnels en quête de leurs rêves saisiront cet espoir pour les réaliser. Ils profiteront des opportunités inhérentes à ces étoiles économiques. Cela accélérera la hausse des valeurs dans les marchés primaires qui rebondissent de la récession du marché de 2020. En dépit du flux sortant des résidents des grandes villes, les gens qui arrivent pour les remplacer l’emporteront sur l’exode.

Suivre les mouvements de population dans les marchés primaires peut donner un aperçu de la valeur potentielle des biens immobiliers. À mesure que la croissance de la population part à la hausse dans les principaux marchés, cela augure bien pour l’immobilier commercial (sans parler du résidentiel). Ceci dit, il est crucial de garder l’œil sur les prophéties autoréalisatrices possibles. Si les investisseurs ne font pas de placements dans un marché donné, éviter d’y investir prolongera une tendance à la baisse dans ledit marché. Ce sont les investisseurs à contre-courant bondissant sur les occasions durant ces moments qui trouvent une valeur réelle.

S’il devient évident que les employeurs veulent avoir leurs employés au bureau parce qu’ils croient que cela leur procurera un avantage, cela pourrait favoriser l’expansion de leurs entreprises et stimuler la croissance économique locale. Essentiellement, cela pourrait créer des opportunités d’affaires qui n’auraient pas vu le jour si les employeurs n’avaient pas rejoint la tendance et qui ne se seraient pas produites autrement si la tendance potentielle n’avait pas été prédite pour commencer.

Par contre, surveillez la sursaturation du marché. Si tous les investisseurs immobiliers commerciaux entrent dans la danse en même temps parce qu’on projette un boom immobilier dans la communauté, le RCI pourrait diminuer. J’aime appeler cela une anti-prophétie autoréalisatrice. Les investisseurs pensent tous que le marché est sur le point de croître de façon substantielle, ils y investissent tous pour alimenter ce résultat et, pourtant, toute cette énergie a l’effet contraire, ou alors pas d’effet du tout. Il faut noter que les perceptions de la réalité (où les investisseurs pensent que les prix des propriétés vont grimper) ne devraient pas l’emporter sur la réalité elle-même (où les prix des propriétés sont une question de fait).

Patauger dans les eaux du placement commercial aura toujours ses risques, mais analyser beaucoup de facteurs contributifs et de nouvelles tendances brossera le meilleur portrait holistique possible et vous permettra de prendre la décision d’investissement la plus éclairée et la mieux calculée possible. Ceux et celles qui tirent profit de la renaissance des marchés primaires – où l’emphase est placée sur une meilleure qualité de vie et sur les incitatifs économiques – récolteront les compensations de ces types de propriétés. Ces communautés deviendront des points chauds de succès et de prospérité dans les années futures, ce qui produira des valeurs globales plus élevées.