Le point de vue d’un évaluateur professionnel sur l’évaluation d’une île au large
Évaluation immobilière au Canada
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Le point de vue d’un évaluateur professionnel sur l’évaluation d’une île au large
Par Jan Wicherek, AACI, P.App
Les évaluateurs sont appelés à déterminer la valeur d’un large éventail de propriétés, chacune possédant ses propres caractéristiques et ses propres défis en matière d’évaluation. Pour Jan Wicherek, AACI, P. App., de Wicherek & Associates à Charlottetown (Î.-P.-É.), les caractéristiques uniques des propriétés et les défis de l’évaluation étaient certainement présents lorsqu’on lui a demandé d’établir la valeur d’une île côtière au large de la baie Bedeque, près de la rive sud de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le contrat de service d’évaluation de l’île s’est présenté lorsque Jan a été approché par Conservation de la nature Canada (CNC), le principal organisme national de conservation des terres du Canada. Organisme privé sans but lucratif établi à Charlottetown, CNC s’associe à des particuliers, à des sociétés, à d’autres organismes sans but lucratif et à tous les niveaux de gouvernement pour protéger les trésors naturels les plus importants du Canada – les aires naturelles qui soutiennent les plantes et la faune du pays. CNC sécurise ces propriétés par des dons, des achats, des ententes de conservation et la renonciation à d’autres intérêts légaux sur les terrains, et en fait la gestion à long terme. Depuis 1962, CNC et ses partenaires ont aidé à conserver 2,8 millions d’acres (plus de 1,1 million d’hectares) de terres d’importance écologique d’un océan à l’autre. En faisant certaines de ses acquisitions, la Société acquiert des biens qui sont classés comme des « dons écologiques » et, par l’entremise du Programme de dons écologiques (PDE), le propriétaire reçoit un crédit d’impôt tenant lieu de dollars une fois que la valeur estimative est convenue.
L’île à évaluer
La propriété qui a fait l’objet de l’évaluation de Jan est connue sous le nom de Holman Island, située à environ un kilomètre au sud de la ville de Summerside (le deuxième plus grand centre urbain de l’Île-du-Prince-Édouard) dans le comté de Prince, dans la partie centrale de la province. L’accès à la propriété peut se faire à partir de divers points de mise à l’eau aménagés pour les pêcheurs d’huîtres et/ou à des fins récréatives, mais, selon les informations fournies, à marée très basse, l’île est également accessible à pied depuis un endroit appelé MacCallum’s Point. L’île se compose d’environ 90 % de terres boisées et de 10 % de marais. Elle était auparavant dotée d’un hôtel de 125 chambres, une structure qui a été détruite par un incendie en 1904.
L’acte original pour Holman Island indiquait une superficie d’environ 130 acres, mais en raison principalement de l’érosion, la superficie de l’île s’était détériorée pour atteindre environ 90 acres selon l’estimation de la province.
La cartographie des courbes de niveau de la propriété montre une pente de 2 à 5 %. De basses falaises de grès délimitent les côtés ouest et nord de l’île, tandis que les côtés est et sud présentent une végétation terrestre qui s’étend jusqu’à la laisse des hautes eaux. La cartographie géologique indique que la majeure partie de l’île est recouverte de sols bien à modérément bien drainés, ce qui permet de supposer un drainage adéquat. Les zones périphériques le long du rivage comprennent une plage côtière, des berges et des falaises érodées et un marais salé couvrant environ 10 % de l’île.
Holman Island est principalement couverte de forêts mixtes. La forêt n’est pas une forêt ancienne et présente les caractéristiques topographiques du sol d’une forêt qui n’a jamais été défrichée à des fins agricoles. La seule exception à cette règle semble être la zone immédiate autour de l’ancien site de l’hôtel, où le terrain avait été nivelé pour la construction de la station de villégiature saisonnière. La présence d’un nombre limité de grands arbres indique que l’île a fait l’objet d’importantes coupes de bois successives. Dans l’ensemble, la forêt existante est constituée des espèces de flore arborescente et terrestre caractéristiques de la forêt de bois francs des hautes terres reboisées. La flore arbustive et terrestre est bien développée et typique des forêts de feuillus indigènes des hautes terres. La composante faunique de cette île est composée de divers types d’espèces d’oiseaux chanteurs et de sauvagine, ainsi que d’un petit nombre de mammifères comme l’écureuil, le lièvre, etc.
Considérations relatives au zonage
Holman Island est désignée comme l’une des 20 îles côtières au large des côtes et, à ce titre, est assujettie aux règlements spéciaux de lotissement et d’aménagement énoncés dans la Provincial Planning Act administrée par le ministère des Finances et des Affaires municipales de l’Île-du-Prince-Édouard. Sur la base de ces règlements spéciaux pour les îles côtières au large des côtes, l’île ne peut pas être subdivisée davantage, mais elle peut être aménagée avec un bâtiment ou une structure qui ne peut être utilisé comme chalet d’été qu’avec son propre système d’approvisionnement en eau et d’évacuation des eaux usées construit conformément aux dispositions de la Loi sur la protection de l’environnement.
Données historiques
D’après les documents obtenus, la propriété en question appartenait à l’origine à James L. Holman, un Néo-Brunswickois, qui a investi 80 000 $ pour ouvrir un hôtel « à l’américaine » de 125 chambres (communément appelé Island Park Hotel). Le centre d’accueil et d’hébergement touristique estival original (achevé entre 1871 et 1873) comprenait une grande salle à manger, des salles de loisirs et de billard, un pavillon de bains, des salles de quilles, des terrains de croquet, des installations de pêche et de yachting, une route carrossable entourant la rive et des sentiers récréatifs. L’hôtel était facilement accessible par un service continu de bateau à vapeur entre Holman Island et Summerside. Après la mort de Holman en 1877, l’hôtel a fermé ses portes et le bâtiment abandonné a fini par brûler. La cave de l’immeuble est encore visible sous forme de dépression dans le sol, de même que l’ancienne fosse du puits d’eau. Il semble que, tout au long de son occupation, Holman Island ait été utilisée comme source de bois de chauffage; cependant, il n’y a aucune preuve récente à cet égard.
Dans l’ensemble, Holman Island a été témoin d’une activité humaine limitée. Le seul développement majeur a été l’ancien hôtel susmentionné. De plus, les plaisanciers et les chasseurs saisonniers ont visité l’île périodiquement, mais malgré sa proximité de Summerside, ce trafic a été relativement faible. D’après les renseignements fournis, l’île a déjà été le site d’une colonie de grands hérons bleus, mais les hérons bleus ne nichent pas actuellement sur le site.
Exécution de l’évaluation
Selon Jan, « le plus grand défi à relever pour mener à bien ce contrat d’évaluation a été de recueillir des informations pertinentes. Il a été difficile de trouver suffisamment de données sur les ventes pour invoquer la méthode de comparaison directe parce qu’il n’y a pas beaucoup d’îles vendues et que chaque propriété est complètement unique quant à son emplacement, sa topographie, les règlements en vigueur qui influent sur son développement potentiel, etc.
Dans le cadre de ses recherches, Jan a passé en revue les listes d’îles en activité, a fait enquête sur l’histoire de l’île, a analysé le rapport d’inspection de CNC, a discuté avec le propriétaire de l’île et a communiqué avec d’autres évaluateurs qui lui ont fait part de leur expérience de l’évaluation d’îles. Il a également fait grand usage d’une publication en ligne intitulée Private Islands Inc. qui fournit une mine d’informations à jour sur les îles privées à vendre dans le monde entier. Il s’est ensuite rendu sur l’île pour effectuer une inspection sur place.
« Vous pouvez regarder des photos et des cartes aériennes autant de fois que vous le voulez, dit Jan, mais je pense personnellement qu’il est important d’explorer physiquement la propriété : faire l’aller-retour, marcher le long du rivage, observer les bois et les marais, etc. Cela m’a donné une bien meilleure idée de la propriété et de ce qui la rendait unique. Cela m’a permis d’adopter une approche plus qualitative pour déterminer sa valeur. »
La même théorie s’applique à ses discussions avec le propriétaire. « J’ai posé des questions sur la façon dont la propriété a été acquise; quels plans d’aménagement les propriétaires avaient, ou ont peut-être encore; ce qu’ils ont fait de l’île depuis son acquisition; à quelle fréquence ont-ils visité la propriété; etc. Il est instructif d’entendre ce qu’un propriétaire avait prévu pour la propriété lorsqu’il l’a acquise et ce qui s’est réellement passé au fil du temps. J’ai vite compris que posséder une île n’est pas toujours ce qu’on croit. »
Muni de toute l’information pertinente qu’il a pu recueillir et examiner, Jan a préparé son rapport d’évaluation et l’a présenté à CNC qui, à son tour, a fait une offre au propriétaire. Une fois les négociations avec le propriétaire terminées et une entente sur la valeur conclue entre les deux parties, l’entente a été envoyée à un Comité d’examen des évaluations (CEI), composé d’évaluateurs indépendants qui travaillent sous contrat avec Environnement et changements climatiques Canada. En collaboration avec les membres d’un comité d’experts de partout au Canada, le CEI a la responsabilité d’examiner les rapports d’évaluation présentés au Programme de dons écologiques et de faire des recommandations au ministre quant à la juste valeur marchande des dons écologiques faits en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. N’ayant pas le pouvoir de conclure ou de rompre une entente, le CEI s’efforce de fournir au ministre des examens approfondis et des recommandations bien fondées. Si un évaluateur a préparé une évaluation conformément aux Lignes directrices relatives aux évaluations, il n’y a habituellement pas de problèmes avec l’examen ou la recommandation subséquente. Dans le cas de Holman Island, puisque les intérêts de tous étaient bien représentés et servis, l’entente a été conclue, CNC a acquis une autre propriété écologique importante et le propriétaire a reçu un crédit d’impôt important pour la valeur convenue de la propriété.
Les honoraires versés à Jan par CNC pour ce projet avaient été négociés avant le début du contrat de service. La clé, dit-il, c’était de valoriser vraiment son temps et l’ensemble des compétences qu’il a dû apporter à la table. « Bien qu’il soit un organisme sans but lucratif, CNC comprenait l’ampleur du travail nécessaire à la réalisation d’une évaluation aussi unique, dit Jan. J’ai essayé d’être aussi précis que possible pour déterminer combien de temps serait consacré à ce projet et j’ai établi un tarif qui me dédommageait de façon précise et équitable pour cela ». Ce contrat de service a bien fonctionné pour toutes les parties concernées et je serais certainement heureux d’avoir l’occasion d’entreprendre un travail similaire à l’avenir. »