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Provisions de revalorisation du loyer des biens immobiliers « non améliorés »

Évaluation immobilière au Canada

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2019 – Volume 63 – Tome 2
Provisions de revalorisation du loyer des biens immobiliers « non améliorés »
John Shevchuk, avocat-procureur, C.Arb, AACI(Hon), RI(BC)

Commentaire de cas : La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers c. Parc-IX Limited

Par John Shevchuk, avocat-procureur, C.Arb, AACI(Hon), RI(BC)

Mon collègue et co-arbitre Richard Olson[i] a porté à mon attention une décision intéressante de la Cour suprême de l’Ontario dans l’affaire La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers c. Parc-IX Limited, 2018 ONSC 3625 (Parc-IX). Dans l’affaire Parc-IX, le juge McEwen a examiné l’interprétation appropriée d’un bail foncier qui exigeait que le loyer soit rétabli comme si la propriété n’était « pas améliorée ». La question était de savoir si le terme « non amélioré » devait être interprété comme signifiant également « non grevé ». Si tel est le cas, le loyer revalorisé serait considérablement plus élevé.

Le contexte
Parc-IX Limited (Parc-IX) possédait un immeuble d’appartements sur un terrain appartenant à La Compagnie d’Assurance-Vie Manufacturers Limitée (Manuvie). En 1964, Parc-IX et le prédécesseur de Manuvie ont signé un bail foncier de 99 ans qui, entre autres choses, prévoyait une révision du loyer tous les 25 ans. Après la signature du bail, l’Ontario a adopté une loi qui empêchait Parc-IX, à titre de locataire, d’utiliser la propriété pour l’aménagement de condominiums en propriété franche. De plus, l’application de contrôles des démolitions et de restrictions des loyers a eu une incidence sur la valeur de l’immeuble en tant qu’immeuble d’appartements. Toutefois, en tant que propriétaire de la propriété franche du terrain, Manuvie n’était pas assujettie à ces restrictions et aurait pu aménager des condominiums en propriété franche. 

La question de l’interprétation contractuelle était l’effet de l’expression « comme si elle n’avait pas été améliorée » dans la clause de révision du loyer qui prévoyait en partie ce qui suit :

  1. ET REMETTRE et payer…

(a) pour la période de 25 ans allant du 15e jour d’août 1989 au 14e jour d’août 2014 inclusivement, ces deux journées incluses, une somme égale à 6¾ % de la juste valeur marchande du bien comme s’il n’était pas amélioré (ci-après appelée la « valeur marchande du terrain » au 15e jour de mars 1989;

(b) pour la période de 25 ans allant du 15e jour d’août 2014 au 14e jour d’août 2039 inclusivement, ces deux journées incluses, une somme égale à 6¾ % de la juste valeur marchande du bien comme s’il n’était pas amélioré (ci-après appelée la « valeur marchande du terrain » au 15e jour de mars 2014;

[Soulignement ajouté.]

Manuvie a fait valoir que le nouveau loyer devait tenir compte de la capacité illimitée de réaménagement du bien, tandis que Parc-IX a fait valoir que le loyer ne pouvait refléter un potentiel dont l’exploitation lui était légalement interdite.

La première révision du loyer, en 1989, avait donné lieu à un arbitrage et à un contrôle judiciaire sur l’interprétation de l’expression « comme si elle n’avait pas été améliorée ». Le prédécesseur de Manuvie avait soutenu que l’expression comprenait les termes « non amélioré » et « non grevé ». Le groupe spécial d’arbitrage de 1989 n’était pas d’accord pour dire que « comme si elle n’avait pas été améliorée » ne faisait référence qu’à l’état physique du bien et que le bail lui-même et les charges légales ne devaient pas être pris en compte. Lors du contrôle judiciaire, le tribunal a jugé que la décision était raisonnable et a rejeté la demande du locateur, mais, dans l’arrêt dicta, le tribunal a déclaré que, si l’affaire avait été entendue en première instance, il aurait interprété « non améliorée » comme incluant également « non grevée ». Manuvie s’est fondée sur ce dicta dans la demande de contrôle judiciaire présentée au juge McEwen.

La décision de 2018
Dans sa décision de 2018, le tribunal a statué que la décision arbitrale de la première révision du loyer était exécutoire pour les parties. Le juge McEwen aurait pu s’arrêter là, mais il est allé plus loin en écrivant que, même si la jurisprudence passée appuyait la position de Manuvie, la loi a évolué de sorte que, par elle-même, l’expression « comme si elle n’avait pas été améliorée » permet seulement aux parties d’ignorer les améliorations matérielles et que, sauf disposition contraire expresse du bail, les parties ne peuvent ignorer les charges légales touchant la propriété.

Conformément aux directives de la Cour suprême du Canada, le juge dans l’affaire Parc-IX a conclu qu’il devait trouver « … l’intention des parties, telle que révélée par le sens usuel, littéral et ordinaire des mots considérés dans le contexte du contrat dans son ensemble ».  [i]

Dans l’affaire Parc-IX, les parties ont convenu que la clause de révision du loyer avait pour objet de lier le loyer à l’évolution de la valeur de la propriété sous-jacente et que la « valeur de la propriété » faisait référence à l’intérêt franc du propriétaire. Les parties n’étaient pas d’accord sur le sens de « non amélioré ».     

Le juge McEwen s’est référé aux définitions des mots « improvement » (« amélioration ») et « encumbrance » (« charge ») dans le Black’s Law Dictionary, notant que le premier faisait référence aux bâtiments et aux structures permanentes, tandis que le second concernait les intérêts juridiques qui pourraient mener à une diminution de valeur. « Une propriété peut être non améliorée mais grevée. Inversement, elle peut être améliorée et non grevée. Les deux mots ne sont pas synonymes. »  La Cour a également noté des éléments de preuve qui suggèrent que les baux commerciaux font couramment la distinction entre les améliorations et les charges.

Dans l’affaire Parc-IX, le tribunal a abordé la jurisprudence qui a statué qu’il faut sous-entendre que les parties ont l’intention de « ne pas grever » le bien dans le cadre d’une révision du loyer. La logique qui sous-tend ces causes est que, puisque la révision du loyer vise à déterminer un loyer en fonction de la valeur du terrain sans égard aux modalités du bail en vigueur, il s’ensuit que la valeur du terrain devrait être fondée sur son utilisation optimale, sans égard aux restrictions qui découlent du type des améliorations et du propriétaire de ces améliorations.    

D’autre part, des cas plus récents avaient adopté un point de vue différent. Dans l’affaire Bande indienne Musqueam c. Glass, 2000 CSC 52 [Musqueam], le juge Gonthier a conclu que, lorsque le bail stipulait qu’un facteur de pourcentage devait être appliqué à la valeur sous-jacente du terrain comme base du loyer, les charges légales ne pouvaient être ignorées, sauf indication contraire explicite. Dans Board of Regents of Victoria University c. G.E. Canada Real Estate Equity, 2016 ONCA 646 [Victoria University], le tribunal s’est inspiré de Musqueam et a jugé que les charges légales découlant du bail devaient être prises en compte dans la révision du loyer.   

Au paragraphe 111 de Parc-IX se trouve le passage suivant :

[111] La Cour d’appel [dans l’affaire Victoria University] a rejeté l’appel du propriétaire… La juge Pepall, écrivant pour la cour, a expliqué l’état actuel du droit tel qu’elle le voyait découlant de Musqueam. Au paragraphe 40, la juge Pepall a déclaré :

En conclusion, la bande indienne de Musqueam établit que, sauf intention contraire dans le bail : a) le mot « terrain » désigne la tenure franche ou l’intérêt en fief simple sur les terres en cause ; b) le mot « valeur » désigne la valeur d’échange du terrain, calculée en déterminant « l’utilisation optimale »; et c) la juste valeur marchande devrait refléter les restrictions légales sur le terrain mais devrait ignorer toute restriction particulière imposée par le bail lui-même

[Souligné dans Parc-IX]

En fin de compte, le juge McEwen, dans l’affaire Parc-IX, s’est fié à Musqueam et à Victoria University pour conclure que les charges légales touchant Parc-IX ne devaient pas être ignorées.

Pour conclure
Parmi les leçons tirées de la décision Parc-IX, mentionnons les suivantes :

  • L’établissement du loyer en vertu d’une clause de révision dépend de l’application de l’intention des parties au moment de la signature du bail.
  • L’intention des parties se retrouve dans les termes du bail dans leur sens usuel, littéral et ordinaire.
  • Le terme « amélioration » désigne généralement les bâtiments et les structures permanentes.
  • Le terme « non amélioré » fait généralement référence à l’état physique du bien.
  • La « charge » se rapporte à un intérêt légal dans un bien.
  • En l’absence d’une formulation expresse contraire, le terme « non amélioré » n’inclut pas le terme « non grevé ».
  • Dans le cas hypothétique d’un bien non amélioré, la révision du loyer tiendra compte de l’effet des charges légales sur la valeur du bien.

Notes en fin de texte

[i] Richard Olson est avocat, arbitre et auteur de A Commercial Tenancy Handbook (Carswell) ainsi que de nombreux ouvrages pour la British Columbia Continuing Legal Education.
[ii] Parc-IX paragraphe 69, s’appuyant sur Creston Moly Corp. c. Sattva Capital Corp. 2014 CSC 53, paragraphe 47.

Cet article est fourni dans le but de générer des discussions et de sensibiliser les praticiens à certains défis présentés dans la loi. Cet exposé ne doit pas être considéré comme un avis juridique. Toutes les questions relatives aux situations abordées aux présentes devraient être posées à des praticiens qualifiés dans les domaines du droit et de l’évaluation.